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06/27/2024 | News release | Distributed by Public on 06/27/2024 06:18

Nouveaux absorbeurs de faisceaux : à découper...

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Nouveaux absorbeurs de faisceaux : à découper suivant les pointillés

Le démontage d'un absorbeur de faisceaux est un véritable casse-tête ; c'est ce qu'avait mis en évidence l'autopsie pratiquée en 2020. Pour le résoudre, les nouveaux absorbeurs de faisceaux de réserve du LHC sont désormais plus facile « à découper »

27 juin, 2024

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Par Anaïs Schaeffer

Les nouveaux absorbeurs de faisceaux de réserve du LHC ont été descendus dans le tunnel de l'accélérateur en janvier. Ils demeureront dans la caverne UX65 jusqu'à ce qu'ils soient utilisés, ou recyclés pour la fabrication des absorbeurs du HL-LHC. (Image: CERN)

Quand les faisceaux de particules en circulation dans le LHC doivent être arrêtés, ils sont déviés vers des absorbeurs de faisceaux. En 2020, au cours du LS2, les deux absorbeurs de faisceaux principaux du LHC, en place dans l'accélérateur depuis ses débuts, ont été remplacés par les absorbeurs de réserve eux-mêmes largement modifiés par rapport au design original, car ils montraient des signes de dégradation. Pour tenir le choc de la troisième période d'exploitation (« Run 3 »), actuellement en cours, les absorbeurs de réserve avaient à l'époque été améliorés, avant de prendre place comme absorbeurs principaux, ce qu'ils sont toujours à ce jour, avec succès.

Les autopsies pratiquées sur les premiers absorbeurs ont mis en évidence leurs points forts et faibles. Ces résultats, associés à des études complémentaires menées à HiRadMat, ont permis de définir une stratégie pour la conception des nouveaux absorbeurs de réserve, et des absorbeurs du futur HL-LHC.

Une composition qui a fait ses preuves
À l'origine, les absorbeurs étaient composés de trois matériaux principaux : des blocs de graphite de haute densité, des disques de graphite de basse densité que maintenaient deux disques en graphite extrudé. « Les autopsies ont révélé que les disques en graphite extrudé étaient tous deux fissurés, mais que les graphites de haute et basse densité étaient en bon état général, validant ainsi leur utilisation pour les absorbeurs destinés au Run 3 », rappelle Nicola Solieri, ingénieur en charge du projet (section SY-STI-TCD).

Les nouveaux absorbeurs de réserve comportent ainsi toujours ces deux composants : six blocs de graphite de haute densité et 1 700 disques de graphite de basse densité, désormais enserrés entre deux disques en matériau composite carbone/carbone - un matériau testé et validé à HiRadMat - qui remplacent les anciens disques en graphite extrudé.

La composition des nouveaux absorbeurs de réserve. En gris foncé : les blocs de graphite de haute densité. En gris clair : les 1 700 disques de graphite de basse densité. En noir : les deux nouveaux disques en carbone/carbone.(Image: CERN)

La grande nouveauté : un découpage facilité
« L'autopsie des absorbeurs d'origine et leur élimination ont mis en évidence un défi majeur : leur démontage, poursuit Marco Calviani, chef de la section Cibles, collimateurs et absorbeurs (STI-TCD) au sein du département SY. Les opérations de découpage réalisées en 2021 ont en effet été un véritable casse-tête, en raison notamment du niveau de radioactivité des absorbeurs. Nous avons finalement réussi à surmonter cet obstacle grâce à l'expertise du CERN, mais il était clair qu'il allait falloir anticiper cette question pour les futurs absorbeurs. » Pour cela, l'équipe en charge du projet a développé un concept d'absorbeur « démontable » (voir images 1 à 3). « Pour faciliter le démontage des absorbeurs et améliorer la durabilité de l'exploitation du LHC et la gestion des déchets, nous avons cherché à limiter le plus possible le nombre de soudures, et nous avons laissé un espace de 5 cm entre chaque composant, afin de faciliter le découpage », explique Nicola Solieri. Des mesures qui permettront de faciliter grandement les opérations de démontage, au cas où ces absorbeurs entreraient en service et deviendraient, de fait, radioactifs. Et s'ils n'entrent jamais en service, leurs composants pourront plus facilement être réutilisés pour les absorbeurs du HL-LHC.

Image 1 : Chaque bloc de graphite de haute densité est fretté à chaud dans un cylindre en acier : on chauffe le cylindre à 300 °C pour le dilater puis on l'enfile sur le bloc de graphite. Lorsque le cylindre refroidit, il se contracte et enserre le bloc de graphite, comme une peau. Cette étape a été réalisée au CERN pour la première fois sur un objet de cette taille.(Image: CERN)Image 2 : Les 1 700 disques de graphite de basse densité sont insérés par les équipes de la section SY-STI-TCD dans le tube de l'absorbeur en position verticale et calés en amont et en aval par des anneaux enserrés dans le tube, et non plus soudés.(Image: CERN)Image 3 : Les 13 « tranches » de l'absorbeur sont soudées bout à bout dans l'atelier principal du CERN, sous la coordination du groupe MME (département EN). On peut voir ici à l'extrémité du tube l'un des disques en carbone/carbone. (Image: CERN)

« Tout le processus de développement de ces nouveaux absorbeurs, de leur conception à leur assemblage, a été fait en interne avec les compétences du CERN, ce qui n'était pas le cas pour les absorbeurs d'origine, souligne Damien Grenier, ingénieur technique en charge de l'assemblage des absorbeurs. Nous nous assurons ainsi de posséder au CERN tout le savoir-faire et les compétences nécessaires pour les étapes-clés de la production et de l'assemblage des absorbeurs en vue du HL-LHC. » De nombreux défis se posent en effet pour la conception des absorbeurs du HL-LHC, qui seront soumis à des intensités de faisceaux encore jamais atteintes. Un programme complexe de R&D est en cours afin d'identifier et de valider de nouveaux matériaux pour le cœur de l'absorbeur et pour l'enceinte, ainsi que des nouvelles techniques d'assemblage.

Les absorbeurs de réserve ont quant à eux été finalisés à l'automne 2023 ; ils ont été installés dans leur caverne de stockage au début de l'année. « La production des deux absorbeurs de réserve a été achevée en un temps record grâce à l'implication et au travail acharné de nombreux collègues de différents groupes et départements du CERN, poursuit Marco Calviani. C'est une nouvelle démonstration que le CERN est capable, grâce à l'esprit d'équipe qui le caractérise, de relever de nombreux défis en interne, avec les matériaux issus de l'industrie. »