« Il est essentiel de faire preuve d'empathie. C'est une compétence que doit posséder chaque personnel infirmier et chaque sage-femme », déclare Mariola Łodzińska, présidente de la Chambre polonaise des personnels infirmiers et des sages-femmes. Mariola a participé à une séance de formation tenue récemment par l'OMS pour les personnels infirmiers et les sages-femmes sur la manière de dépister la violence sexiste et d'aider les survivants de tels actes. Elle explique comment l'initiative, organisée en collaboration avec le bureau de pays de l'OMS en Pologne, devrait bénéficier à ces survivants sur l'ensemble du territoire national.
« Une écoute active et attentive permet d'obtenir beaucoup plus d'informations, et les victimes savent que les informations intimes qu'elles partagent sont entendues. Il s'agit de sensibiliser les personnels infirmiers, et c'est vraiment utile. »
Mariola souligne le rôle que joue la Chambre des personnels infirmiers et des sages-femmes dans la formation, ainsi que l'enthousiasme de la communauté des personnels infirmiers et des sages-femmes pour la formation continue. Ces derniers constituent d'ailleurs le premier point de contact pour de nombreux survivants de violence sexiste, en particulier dans les services d'urgence.
« Si l'on n'approche pas les victimes de la bonne manière, on risque par inadvertance de les décourager de faire cette première étape cruciale pour obtenir de l'aide », souligne Mariola. À travers ce programme, les personnels infirmiers et les sages-femmes disposent d'une structure qui les aide à approcher les victimes et à interagir avec elles d'une manière qui favorise la confiance et encourage la recherche d'aide.
Sensibilisation et renforcement des compétences
Le manque de formation a déjà eu un impact sur la capacité des personnels infirmiers et des sages-femmes à aider efficacement les survivants de violence sexiste. « Tous les services de soins de santé ne respectent pas vraiment les normes d'emploi applicables aux personnels infirmiers et aux sages-femmes, et manquent souvent de personnel », explique Mariola. Le manque de personnel entraîne des contraintes de temps pour les contacts directs avec les patients, ce qui empêche les personnels infirmiers et les sages-femmes d'accorder la priorité à cette intervention essentielle.
Depuis le début de la formation, la manière dont les personnels infirmiers et les sages-femmes interviennent en cas de violence sexiste a considérablement évolué. Le cours a permis de faire prendre conscience que cette intervention n'est pas seulement une question de santé, mais qu'elle s'intègre également dans la prestation de soins complets.
Mariola souligne l'importance d'instaurer un environnement favorable suscitant la participation de tous, personnel médical et personnel non médical. « Tout d'abord, il faut garantir la confidentialité, et s'assurer que les personnes concernées se sentent en sécurité », précise-t-elle, même dans des espaces restreints. « La sécurité est essentielle dans cette situation, et nous devons obtenir un appui en faveur d'endroits conçus pour assurer la sécurité et la protection de la vie privée. »
La formation a également ouvert de nouvelles perspectives en matière de leadership dans le domaine des soins infirmiers et obstétricaux, un domaine d'intervention clé mis en avant dans les Orientations stratégiques mondiales pour les soins infirmiers et obstétricaux 2021-2025 de l'OMS. Les participants organisent désormais leurs propres séances de formation sur les lieux de travail ou auprès des chambres de district de chaque province de Pologne.
« Les 43 chambres participent au programme, en soutenant le déploiement de la formation, en fournissant des lieux de formation et en apportant tout soutien supplémentaire », explique Mariola.
La violence sexiste à laquelle sont confrontés les personnels infirmiers et les sages-femmes
Les personnels infirmiers et les sages-femmes peuvent aussi être victimes de violence sexiste, souvent sur leur lieu de travail. Jusqu'à 62 % des agents de santé dans le monde ont subi de tels actes dans leur cadre professionnel. Le rapport 2022 de l'OMS intitulé « Notre devoir de diligence : un appel mondial à l'action pour protéger la santé mentale des personnels de santé et d'aide à la personne » indique que ce taux a augmenté pendant et après le pic de la pandémie.
Mariola souligne l'importance de reconnaître ce problème et d'y apporter une solution. « Les personnels infirmiers et les sages-femmes ne sont pas à l'abri de la violence sexiste qui peut se manifester sous diverses formes, notamment le harcèlement verbal, physique et sexuel », confie-t-elle. « Le cours permet aux professionnels de santé d'acquérir les compétences nécessaires pour soutenir leurs collègues susceptibles d'être confrontés à la violence sexiste. »
Mariola poursuit : « on doit veiller à ce que des politiques et des systèmes de soutien bien définis soient en place pour les personnels infirmiers et les sages-femmes victimes de violence sexiste. Il s'agit notamment d'appliquer des politiques de « tolérance zéro pour la violence » sur le lieu de travail et de fournir des services de conseil axés sur les victimes, une assistance juridique et des protocoles fondés sur les droits afin de signaler les incidents de violence sexiste dans les établissements de soins de santé et d'intervenir. »
Vision d'avenir et soutien de l'OMS
Pour l'avenir, Mariola envisage une meilleure coordination des activités pour les survivants de violence sexiste. « Quand on est confronté à un cas de violence sexiste, la coordination nécessaire pour passer à l'étape suivante fait défaut », explique-t-elle, soulignant la nécessité de disposer de protocoles faisant intervenir les forces de l'ordre, les services d'assistance sociale et les organisations de lutte contre la violence sexiste. « Il serait bon de réfléchir à mettre en place une telle coordination dans les chambres de district de toutes les régions. »
Pour mieux aider les personnels infirmiers et les sages-femmes à reconnaître les signes de violence sexiste, Mariola plaide en faveur d'une formation continue et de cours de remise à niveau. « Chaque année, les personnels infirmiers devraient suivre une formation de remise à niveau, qui pourrait inclure la violence sexiste », suggère-t-elle. Des projets sont en cours afin de mettre en place une plateforme de formation pour les personnels infirmiers et les sages-femmes, avec des webinaires et des séances de formation.
Le bureau de pays de l'OMS en Pologne travaille en étroite collaboration avec la Chambre des personnels infirmiers et des sages-femmes afin d'institutionnaliser cette formation par le biais de l'apprentissage en ligne et d'une plateforme numérique proposée par la Chambre. Cela permettra à un plus grand nombre de personnels infirmiers d'acquérir des connaissances essentielles et d'améliorer leur confiance en eux afin de traiter les cas de violence sexiste.
Comme le confie Nino Berdzuli, représentante de l'OMS en Pologne : « notre collaboration avec la Chambre des personnels infirmiers et des sages-femmes donne des résultats tangibles. Les infirmiers et les sages-femmes, qui sont les premiers à intervenir en cas de violence sexiste, jouent un rôle essentiel. Mais ils ne peuvent intervenir seuls. Ils ont besoin du soutien des responsables des établissements de santé et de l'ensemble du système de santé. »
Elle ajoute : « au bureau de pays de l'OMS en Pologne, nous collaborons étroitement avec les principales sociétés professionnelles médicales et les autorités afin d'élaborer des normes pour la gestion de la violence et des abus dans les établissements de santé, garantissant ainsi une intervention cohérente et pleine de sollicitude dans tout le pays ».