11/22/2024 | News release | Distributed by Public on 11/22/2024 12:58
Il y a un an, le féminicide de Saltanat Nukenova a secoué le Kazakhstan. L'affaire a bénéficié d'une attention nationale sans précédent lorsque son mari, un ancien ministre, a été accusé. Aitbek Amangeldi, 37 ans, militant et défenseur des droits humains au Kazakhstan, a expliqué à ONU Femmes en quoi le meurtre de sa sœur Saltanat a changé sa vie. Il a fondé la Saltanat Nukenova Memorial Foundation et un réseau de volontaires pour aider les survivantes de la violence fondée sur le genre, réunissant des activistes, des blogueurs/ses et des influenceurs/ses dans toute l'Asie centrale.
« Ma sœur et moi avons grandi dans l'amour et la confiance. Je croyais, peut-être naïvement, que toutes les familles étaient comme la mienne, se souvient Aitbek Amangeldi. Mais au cours de l'année écoulée, j'ai pris conscience de l'ampleur [du problème]. La plupart des cas de violence basée sur le genre ne sont pas signalés en raison de la stigmatisation, des rôles assignés à chacun des sexes, de la crainte de représailles et de l'insuffisance des systèmes de soutien. Dans notre région, un concept appelé « Uyat » (« honte » en kazakh) dissuade les femmes et les filles de signaler les cas de violence, réduisant les survivantes au silence, normalisant les mauvais traitements et perpétuant les cycles de violence qui renforcent l'inégalité entre les hommes et les femmes. »
Le meurtre de Saltanat Nukenova par son mari a mis en lumière la cruelle réalité de la violence familiale et du féminicide au Kazakhstan et dans les pays voisins. Le procès a été retransmis en ligne par tous les médias - une première dans ce pays - et suivi chaque jour par plus de 3,5 millions de personnes. Le silence qui permettait la poursuite effrénée et la normalisation des violences envers les femmes a volé en éclats.
« Saltanat était une personne brillante et gentille, elle était l'âme de notre famille. Sa perte a été un véritable choc et est irrémédiable, mais je l'ai aussi ressentie comme un appel à l'action », déclare M. Amangeldi, qui n'a pas seulement cherché à obtenir justice pour sa sœur, mais qui a également créé et dirige un réseau de volontaires apportant un soutien aux victimes et aux survivantes de violence familiale. Ce réseau leur fournit un hébergement d'urgence, anime un service d'assistance juridique, les aide à déménager vers un lieu sûr, les aide à trouver un emploi, et leur offre encore bien d'autres services. Il tente également de créer et de faire enregistrer une fondation pour continuer à soutenir les survivantes.
Tout a commencé par un appel à l'aide, suivi de nombreux autres, émanant de femmes craignant pour leur vie. Dans le même temps, la famille de Saltanat a bénéficié d'un élan de soutien de la part de la population. M. Amangeldi s'est rendu compte qu'il pouvait mettre en contact les personnes dans le besoin et celles qui étaient prêtes à les aider.
« Je me souviens encore du premier cas, lorsqu'une femme était traquée et recevait des menaces de mort de son ex-mari. J'ai payé son garde du corps pendant trois jours », se souvient M. Amangeldi. Avec l'aide de volontaires, il a aidé cette femme à intenter une action en justice qui a conduit à l'arrestation de l'agresseur.
Le premier message de M. Amangeldi demandant des volontaires, publié sur les réseaux sociaux, lui a valu les réponses de 500 personnes en quelques jours. Actuellement, le réseau de volontaires compte plus de 3 000 membres actifs qui ont déjà travaillé sur 1 200 cas de violence familiale et de féminicide.
À l'échelle mondiale, toutes les 10 minutes, une femme est tuée par son partenaire intime ou un membre de sa famille. Selon les statistiques officielles, au Kazakhstan, chaque année, au moins 80 femmes sont tuées par leur partenaire. Chaque jour, environ 300 cas de violence familiale sont dénoncés à la police.
Et pourtant, la violence familiale y a été dépénalisée en 2017, ce qui renforce la normalisation de la violence au sein de la famille.
À la suite du procès de Saltanat, des milliers de personnes ont protesté en ligne et lors de manifestations pacifiques dans le monde entier pour réclamer justice et appeler le Kazakhstan à pénaliser la violence familiale.
« La réaction de l'opinion publique à notre procès m'a montré sa puissance, ajoute M. Amangeldi. Presque tous les blogueurs ont exprimé leur soutien à notre famille et dénoncé cette violence, créant ainsi une vague sans précédent de réaction sociétale face à la violence basée sur le genre dans notre pays. Ce mouvement uni est à même d'influencer les lois, les politiques et les réponses officielles. »
Le 15 avril 2024, le président du Kazakhstan a signé une loi rétablissant les sanctions pénales pour la violence familiale, qui est entrée en vigueur en juin.
Au Kazakhstan, 16,5 pour cent des femmes de 18 à 75 ans déclarent avoir subi des violences physiques et/ou sexuelles perpétrées par leur partenaire intime. Toutefois, comme la violence familiale n'est toujours pas systématiquement dénoncée, l'ampleur réelle de la violence y est probablement beaucoup plus élevée, précise M. Amangeldi.
« C'est pourquoi je soutiens la campagne #HearHerStory du Bureau régional d'ONU Femmes pour l'Europe et l'Asie centrale, qui vise à briser les stéréotypes, à faire cesser la culpabilisation des victimes et à amplifier la voix des femmes. J'invite les influenceurs/ses à partager ces histoires, qu'il s'agisse d'une amie, d'une sœur ou d'une connaissance, afin de montrer l'ampleur et les formes réelles de la violence. »
La campagne #HearHerStory vise à créer un réseau d'influenceurs/ses engagés dans la lutte contre la violence envers les femmes et les filles et dans la promotion de l'égalité des sexes. Avec le soutien d'ONU Femmes, M. Amangeldi a organisé des réunions avec des influenceurs/ses du Tadjikistan et de l'Ouzbékistan afin qu'ils partagent leur expérience.
« Le changement commence par le premier pas et, ensemble, nous pouvons transformer la société », déclare M. Amangeldi. « Je demande instamment aux influenceurs/ses, aux citoyens actifs et à quiconque s'intéresse à la question de ne pas rester indifférent. Soutenez les survivantes, prenez la parole et luttez pour la justice. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que nos enfants grandissent dans une société dénuée de violence. »