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12/06/2024 | Press release | Distributed by Public on 12/06/2024 03:37

Regards croisés : prévenir, sensibiliser et agir contre les violences sexistes et sexuelles

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Les violences sexistes et sexuelles demeurent un fléau majeur de notre société, affectant gravement les mineurs qui représentent plus de la moitié des victimes recensées en 2023 pour des agressions sexuelles hors du cadre familial, avec une écrasante majorité de femmes (85 %) parmi elles, tandis que 28 % des auteurs identifiés sont eux-mêmes mineurs.
Ces chiffres alarmants révèlent l'ampleur du problème dans des contextes variés tels que les loisirs, les transports, les lieux festifs ou encore le milieu scolaire, soulignant l'urgence de renforcer la prévention et le soutien aux victimes dès le plus jeune âge.

Chaque année, en moyenne, 94 000 femmes âgées de 18 à 75 ans subissent un viol ou une tentative (source : ministère des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Égalité entre les femmes et les hommes).

Malgré ces réalités accablantes, des voix continuent de s'élever pour sensibiliser, prévenir et accompagner les victimes.

Alexandra Lamy et Diariata N'Diaye contre les violences sexistes et sexuelles (VSS)

Diariata N'Diaye : Je suis Diariata N'Diaye, fondatrice de l'association Resonantes, créée en 2015. Je me définis comme une « artiviste » : j'utilise l'art pour sensibiliser aux violences sexistes et sexuelles. En plus de nos actions, j'ai créé l'application App-Elles, un outil concret pour alerter, se protéger et être accompagné face aux violences sexistes et sexuelles.
Alexandra Lamy : Quant à moi, je suis comédienne et réalisatrice, mais aussi la marraine de Resonantes et de l'application App-Elles. C'est un engagement que je porte fièrement.

Qu'est-ce qui vous motive à vous engager contre les violences sexistes et sexuelles ?

Alexandra Lamy : Malheureusement, ce sont des violences qui nous entourent toutes. Je pense qu'aucune femme ne peut affirmer qu'elle n'a jamais vécu ou été témoin d'une forme de violence sexiste ou sexuelle.
Diariata N'Diaye : Chez Resonantes, nous travaillons avec un public assez particulier qui est le public jeune, les 15-24 ans. C'est un public très vulnérable particulièrement exposés aux violences sexuelles. Il était donc urgent d'agir auprès d'eux, non seulement pour les accompagner, mais aussi pour prévenir ces violences. Personnellement, mon engagement vient aussi de mon histoire. J'ai subi des violences quand j'étais jeune, et je sais que mon parcours aurait été différent si, à l'époque, on avait parlé de ces sujets à l'école, si quelqu'un avait tendu la main. Selon moi, l'école à un rôle essentiel à jouer. Avec Resonantes, on essaie de réparer, d'aller chercher les victimes là où elles se trouvent, et on sait qu'elles se trouvent notamment dans les établissements scolaires.

Comment repérer et accompagner les victimes de VSS ?

Diariata N'Diaye : Repérer des violences est en réalité très simple. Il suffit de créer un espace de discussion et d'échange, car les victimes savent s'en saisir. Par exemple, avec les élèves, on consacre généralement une heure à un temps de discussion. Nous créons des supports adaptés pour gagner du temps ou nous utilisons ceux qui sont efficaces comme le film d'Alexandra Lamy, Touchées. Ce film aborde de manière claire les violences sexuelles et leurs conséquences. Les personnes concernées peuvent s'y reconnaître et se trouvent face à des interlocuteurs qui savent que ces situations existent et qui leur montrent que des solutions sont possibles. Dans ces conditions, la parole se libère naturellement. Il suffit donc de créer cet espace et de poser les questions nécessaires : les victimes sauront s'en emparer.

Selon vous, qu'est-ce qui explique qu'on ne réagisse pas toujours face à une situation de violence sexiste ou sexuelle ?

Diariata N'Diaye : Il y a plusieurs raisons, mais la plus courante, c'est le phénomène de « sidération ». C'est un mécanisme psychologique qui survient quand une personne est confrontée à une situation si choquante que son cerveau "bugue". On est incapable de réagir, de parler ou même de se défendre. Ensuite, il y a aussi la méconnaissance : si personne ne nous a appris comment réagir dans ce genre de situation, on se retrouve perdu. C'est pourquoi il est essentiel de former tout le monde, à tous les niveaux, pour savoir comment réagir sans danger face à une agression.
Alexandra Lamy : Et cette réaction, cette incapacité, elle ne concerne pas que les victimes. Les témoins aussi hésitent parfois à intervenir. Ils ne savent pas quoi faire, surtout si la situation est tendue ou semble risquée. Or, il est souvent plus facile pour eux d'intervenir que pour la victime elle-même.
Diariata N'Diaye : Exactement. On invite les témoins à intervenir sans se mettre en danger. On recommande de s'adresser directement à la victime.

Dans le contexte professionnel, que faire face à des violences sexistes exercées par un supérieur ?

Alexandra Lamy : Le problème, c'est que ces violences sont souvent une question de pouvoir. Dans certains milieux, notamment artistiques, on a vu combien les figures d'autorité - réalisateurs, producteurs - ont pu abuser de leur position. Pendant longtemps, c'était ignoré ou minimisé, parce que l'on craignait de compromettre un projet ou une carrière. Heureusement, les choses commencent à changer. Il y a davantage de formation, et des référents en entreprise pour accompagner les victimes.
Diariata N'Diaye : Oui, aujourd'hui, de nombreuses entreprises mettent en place des « référents violences ». Ces personnes sont formées pour gérer les signalements et soutenir les victimes. Cela reste un dispositif encore en construction, mais c'est une avancée majeure.

Comment lutter contre des violences plus « invisibles », comme les blagues sexistes ?

Alexandra Lamy : J'aimerais revenir sur le terme des hommes qu'on considère comme « lourd ». Cette fameuse « lourdeur », parlons-en ! Quand un homme insiste lourdement, c'est souvent perçu comme un comportement maladroit, alors que c'est une véritable agression. Je pense qu'il est important de bannir ce terme du langage commun, car il minimise la gravité des actes. Ce qui me choque, c'est qu'on en arrive à normaliser ça, avec des phrases comme « oh, il est juste lourd », alors qu'on n'utiliserait jamais ce mot si une femme se comportait de la même façon. C'est une agression qu'il est en train de faire. Et je dis ça parce que dans les soirées, par exemple, nous en tant que femmes, quand on sort, on dit souvent « j'espère qu'on va pas se faire emmerder, ce soir » .
Diariata N'Diaye : Absolument. Et cela fait partie d'un continuum de violences. Ces blagues sexistes ou ces comportements insidieux relèvent souvent du harcèlement sexuel.
Alexandra Lamy : Les hommes ont un rôle essentiel à jouer ici. Un simple "Arrête, ce n'est pas drôle" peut tout changer. Il est temps que les témoins masculins assument cette responsabilité.

Comment garantir un meilleur respect du temps des victimes de VSS, souvent obligées de revivre leur traumatisme à travers des procédures longues et difficiles ?

Entre la longueur des démarches judiciaires et les multiples étapes auprès des professionnels de santé, ce parcours peut devenir une épreuve en soi pour les victimes de violences sexistes et sexuelles.

Alexandra Lamy : Aux Sables-d'Olonne, par exemple, en discutant avec la police, la gendarmerie et la procureure, j'ai réalisé l'ampleur de leur charge de travail : 500 dossiers par jour, c'est énorme ! Faute d'effectifs suffisants, les forces de l'ordre doivent prioriser les urgences immédiates, laissant parfois des affaires cruciales de côté. Cela peut avoir des conséquences graves. C'est un cercle vicieux : sans davantage de moyens humains et financiers, les procédures resteront interminables. Pourtant, il y a des progrès. La police et la gendarmerie sont mieux formées aujourd'hui, mais il faut aller plus loin.
Diariata N'Diaye : La violence de la procédure elle-même est un problème. Déposer plainte demande une énergie énorme, d'où l'importance d'être accompagnée par des associations spécialisées, comme celles du réseau France Victimes. Le parcours est souvent traumatisant : devoir répéter son histoire encore et encore, dans les moindres détails, est un calvaire. C'est aussi pourquoi des avancées technologiques comme les enregistrements vidéo, déjà utilisés pour les enfants, devraient être généralisées aux adultes. Elles permettraient d'éviter ces répétitions inutiles. Et puis, il y a cette autre violence : l'attente. En France, obtenir justice et réparation peut prendre des années. Cela pèse lourdement sur les victimes. Bien sûr, le délai de prescription allongé - 30 ans après la majorité pour déposer plainte - est un progrès. Mais plus on attend, plus il est difficile de prouver les faits, et cela réduit les chances d'obtenir justice.

Les associations aident-elles dans les démarches longues et complexes, comme les rendez-vous avec des psychologues ou les étapes judiciaires ?

Diariata N'Diaye: En fait, il existe une grande diversité d'associations, chacune avec ses spécificités. Certaines associations accompagnent les victimes tout au long de leur parcours judiciaire, en les guidant sur les procédures et les étapes à suivre. D'autres se concentrent sur l'aide psychologique ou encore sur l'administratif. Certaines vont même jusqu'à proposer des solutions d'hébergement d'urgence. C'est un travail collégial qui demande beaucoup de coordination : les victimes ont besoin d'un accompagnement pluridisciplinaire pour répondre à la diversité des défis auxquels elles font face. Chaque professionnel joue un rôle clé. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles notre structure s'appelle Resonantes : pour mettre en avant l'importance de travailler en réseau. Dans l'application App-Elles, nous avons répertorié toutes ces associations avec un descriptif précis de leurs services. L'objectif est de permettre aux victimes de trouver rapidement l'aide adaptée à leurs besoins, en fonction de la spécificité de chaque situation.

Quels outils numériques existent aujourd'hui pour accompagner et protéger les victimes, et comment fonctionnent-ils ?

Alexandra Lamy : Les victimes sont souvent confrontées à l'image de la mauvaise victime. Si elle n'a pas crié, si elle n'a pas de marques visibles ou si l'agresseur a utilisé un préservatif, on met en doute ses paroles. C'est une injustice terrible. Pour cela, il est essentiel de recueillir des preuves, même si on ne se sent pas encore prête à porter plainte. L'application Mémo de Vie, développée par France Victimes, offre une solution précieuse. Elle permet de stocker des éléments comme des messages ou des photos. C'est un peu comme un journal intime où la victime peut déposer toutes les preuves.
Diariata N'Diaye : Notre application App-Elles complète cet accompagnement. Elle permet aux victimes de déclencher une alerte instantanément, en cas de danger. Trois personnes de confiance peuvent suivre en temps réel ce qui se passe, entendre la situation et recevoir un enregistrement audio des faits. Cet enregistrement peut devenir une preuve précieuse, qu'il est possible d'intégrer ensuite à Mémo de Vie. L'objectif est de donner aux victimes des moyens concrets pour se sentir protégées et soutenues, tout en facilitant les démarches judiciaires. Ce qui est hyper important aussi avec l'application App-Elles, qui est gratuite, c'est qu'elle permet d'appeler à l'aide ou de sécuriser des moments stressants. Cela peut concerner des déplacements en Véhicule de Tourisme avec Chauffeur (VTC), en transport ou à pied pour des violences dans l'espace public, mais aussi pour des violences au sein du couple. Prenons l'exemple le contexte des gardes partagées, il peut y avoir des moments très stressants. C'est une situation où les femmes doivent parfois se retrouver face à l'auteur des violences. Grâce à l'application, elles peuvent déclencher des alertes préventives, ce qui les sécurise et rassure aussi leur entourage. Un autre point essentiel est que l'application centralise un accès direct à des professionnels : associations, hôpitaux, gendarmeries, commissariats, etc. L'idée est de faciliter toutes les démarches des victimes, de leur permettre d'avoir un accès rapide et clair à l'aide existante, et ainsi de leur apporter un soutien global et immédiat.

Quelles solutions pour avancer ?

Face à ces constats, une réponse commune s'impose : la formation. Que ce soit dans les entreprises, les écoles ou les espaces publics, il est crucial de sensibiliser et d'apprendre à réagir.

Alexandra Lamy: La clé, c'est de donner des moyens. Il faut investir dans des formations, multiplier les dispositifs d'accompagnement, et sensibiliser les témoins.
Diariata N'Diaye: Et cette évolution passe aussi par le respect des victimes, de leur parole et de leur rythme. Avec Resonantes, on continue de créer des espaces d'échange et de prévention. Chaque discussion, chaque prise de parole contribue à briser le silence.

Les initiatives citoyennes innovantes pour la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles

Le Gouvernement soutient des initiatives citoyennes innovantes pour la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Le ministre des Solidarités Paul Christophe et la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes Salima Saa, ont annoncé les résultats de deux appels à projets visant à promouvoir des applications de lutte contre ces violences. Ce soutien s'inscrit dans le cadre du Plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027.
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Parmi les quatre applications retenues figurent App-Elles, Umay, Ti3rs et Mémo de vie, qui ont été choisies pour leur impact dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Ces outils permettront de signaler des violences, sécuriser les échanges dans les situations de violences conjugales, et conserver des preuves de violence.

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