Amnesty International France

11/05/2024 | Press release | Distributed by Public on 11/05/2024 06:11

Mali. Les autorités doivent enquêter sur la mort d’au moins huit civils, dont six enfants, à la suite de frappes de drones à Inadiafatane

Les autorités maliennes doivent mener une enquête efficace et transparente sur la mort d'au moins huit civils à la suite de frappes de drones qui ont visé un marché un jour de grande affluence à Inadiafatane le mois dernier. Cette attaque doit faire l'objet d'une enquête en tant que crime de guerre car elle a fait des morts et des blessés parmi les civils et a pris pour cible des biens de caractère civil, a déclaré Amnesty International aujourd'hui.

Selon les informations recueillies par Amnesty International auprès de plusieurs témoins des frappes de drones effectuées le 21 octobre à Inadiafatane, dans la région de Tombouctou, dans le nord du Mali, six enfants figurent parmi les huit civils tués, tandis qu'une quinzaine de personnes ont été blessées, dont plusieurs grièvement.

Les autorités doivent de toute urgence enquêter sur le processus de décision et l'exécution des frappes de drones qui ont fait des victimes civiles.

Samira Daoud, directrice régionale d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale

« Le principe de distinction est essentiel pour guider la sélection des objectifs militaires. Les frappes de drones doivent clairement faire la distinction entre les civils et le personnel militaire ou les combattants appartenant à des groupes armés, en évitant de prendre pour cible la population civile ou les bâtiments non utilisés à des fins militaires. Le principe de précaution dans les attaques exige que les opérations militaires soient menées avec le souci constant de protéger les civils et les infrastructures civiles », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale.

Des enfants et des bébés parmi les victimes

Attaye*, témoin des frappes, a déclaré à Amnesty International : « J'étais dans ma cour vers midi lorsque les premières explosions ont retenti. Il y a eu une deuxième frappe 15 minutes plus tard, puis une troisième. La première frappe a visé cinq motos qui se trouvaient sous un hangar métallique sur le marché. Elle a tué plusieurs personnes et les éclats d'obus en ont blessé plusieurs autres ».

La fillette de neuf ans et le bébé sont décédés pendant leur transport à l'hôpital de Tombouctou dans la nuit du 21 au 22 octobre. La femme est décédée deux jours plus tard à l'hôpital de Tombouctou.

Abass*, témoin des frappes

« La deuxième frappe a visé un véhicule appartenant à un commerçant venu au marché. La troisième frappe a également détruit un véhicule. Ces frappes ont eu lieu au milieu du marché et les victimes étaient principalement des personnes qui achetaient, vendaient ou vadrouillaient. Un bébé de quatre mois et une fillette de six ans ont été tués. Plusieurs blessés transportés vers Tombouctou sont décédés en cours de route ou après leur arrivée. Huit personnes ont été tuées et une quinzaine ont été blessées. Mais deux autres personnes auraient fui le marché après les frappes de drones et auraient succombé à leurs blessures dans la brousse ».

Abass*, qui a perdu quatre membres de sa famille lors des frappes, a expliqué à Amnesty International : « Le drone survolait le marché depuis 9 heures du matin. Vers 10 heures, nous ne l'entendions plus, mais vers 11 heures, il est revenu. Quatre personnes sont mortes, dont deux enfants, un nourrisson et un homme d'environ 50 ans. Un autre enfant, âgé de six mois, a succombé à ses blessures deux heures plus tard. Un grand nombre de personnes ont également été blessées ».

Il a précisé que cinq des blessés graves ont été transportés d'urgence à l'hôpital de Tombouctou à bord d'un pick-up, dont une femme et une fillette de neuf ans souffrant de graves blessures abdominales, un bébé d'un an touché par des éclats d'obus, et deux jeunes hommes, dont l'un souffrait d'une fracture.

Il a ajouté : « La fillette de neuf ans et le bébé sont décédés pendant leur transport à l'hôpital de Tombouctou dans la nuit du 21 au 22 octobre. La femme est décédée deux jours plus tard à l'hôpital de Tombouctou. Les deux jeunes hommes sont toujours hospitalisés à Tombouctou. Les cas les moins graves sont traités au centre de santé d'Inadiafatane ».

Redouane*, un autre habitant d'Inadiafatane, a déclaré à Amnesty International : « De nombreux blessés se sont enfuis dans la brousse. Certains d'entre eux ne voulaient pas être soignés au centre de santé. Les nomades sont très méfiants à l'égard de l'autorité de l'État et ont tendance à se réfugier dans la brousse lorsqu'ils se sentent en danger. Nous comptons sur l'aide de Dieu. Personne n'est venu nous porter secours. »

« Les autorités maliennes doivent de toute urgence enquêter sur le processus de décision et l'exécution des frappes de drones qui ont fait des victimes civiles. Elles doivent également faire preuve d'une plus grande transparence quant à leurs règles d'engagement concernant l'utilisation des drones », a déclaré Samira Daoud.

Contexte

Ces frappes de drones ont eu lieu à la suite de plusieurs attaques similaires qui ont fait des victimes civiles en 2024. Le 17 mars, une frappe à Amasrakadh, dans la région de Gao, a tué 13 civils, dont sept enfants, selon les témoignages recueillis par Amnesty International. Une autre frappe, le 23 mars à Douna, a tué 14 civils, dont 11 enfants.

*Les noms ont été modifiés pour protéger les identités.

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