Inserm - Institut National de la santé et de la recherche médicale

05/27/2024 | News release | Distributed by Public on 05/27/2024 03:03

CARDIOLOOP : vers une détection anticipée de l’insuffisance cardiaque

À l'Institut Physique pour la Médecine (unité Inserm1273 / ESPCI Paris-PSL / CNRS), une équipe scientifique s'est donné pour objectif de concevoir une technique novatrice d'imagerie du cœur, consistant à en explorer l'intérieur via l'émission d'ondes ultrasonores. Ce collectif, composé d'ingénieurs et de doctorants de l'Accélérateur de Recherche Technologique (ART) Ultrasons biomédicaux, travaille sous l'encadrement de Mathieu Pernot et Clément Papadacci, tous deux chercheurs à l'Inserm. Avec ce dispositif, l'équipe espère parvenir à analyser la rigidification précoce du cœur, l'un des symptômes de l'insuffisance cardiaque, et ainsi la déceler le plus tôt possible.

C'est tout l'enjeu du projet CARDIOLOOP, subventionné par l'Agence nationale de la recherche et piloté par Clément Papadacci, un scientifique prometteur et engagé, qui nous en dévoile davantage à l'occasion d'InScience, le festival de culture scientifique de l'Inserm.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Clément Papadacci : En 2011, j'ai intégré l'équipe Physique pour la Médecine, avec qui j'ai obtenu une bourse doctorale de l'université Paris Sciences et Lettres (Paris PSL), ce qui m'a donné la possibilité de soutenir une thèse consacrée à l'acoustique et aux applications médicales de l'imagerie ultrarapide du cœur, dirigée par Mathias Fink, Mickael Tanter et Mathieu Pernot.

Comme beaucoup de jeunes doctorants diplômés, mon parcours s'est ensuite poursuivi outre-Atlantique par la réalisation d'un postdoctorat à l'université Columbia de New York (États-Unis) de 2015 à 2017. Durant cette période, je me suis concentré sur l'étude de l'imagerie des ondes électromécaniques du cœur par ultrasons, sous la direction d'Elisa Konofagou.

De retour en France, j'ai été recruté à l'Inserm en 2017 en tant que chargé de recherche, et ai rejoint l'aventure du premier Accélérateur de Recherche Technologique (ART), dédié aux ultrasons biomédicaux, et implanté au sein de l'Institut Physique pour la Médecine.

Mes principales orientations de recherche portent aujourd'hui sur l'imagerie ultrarapide et ultrasonore du cœur, avec pour objectif de contribuer à améliorer le diagnostic et le suivi des maladies cardiaques, ainsi que sur le développement de nouvelles technologies de sondes ultrasonores pour l'imagerie à large champ de vue d'organes dans leur entièreté. À partir de janvier 2025, j'assurerai d'ailleurs la fonction de responsable thématique « Quantification et biomarqueursultrasonores ».

Mon intérêt pour cette thématique découle de mes études en physique acoustique. Après avoir exploré ces bases, j'ai choisi de me spécialiser dans les applications médicales, particulièrement fasciné par l'imagerie ultrarapide. Grâce aux travaux novateurs de notre équipe, cette imagerie a initié une véritable révolution dans le domaine des ultrasons !

Avec l'un de vos récents projets CARDIOLOOP, vous espérez révolutionner le diagnostic médical de l'insuffisance cardiaque…

C. P. : L'insuffisance cardiaque est une pathologie qui se manifeste par une rigidification précoce du cœur, celui-ci étant comparable à une pompe propulsant le sang dans tout le corps. Si les conduits par lesquels le sang circule deviennent raides et étroits en raison de cette rigidité, le cœur doit redoubler d'efforts pour pousser le sang à travers ces conduits. Avec le temps, le muscle cardiaque, également appelé myocarde, devient rigide, entravant sa capacité à se détendre correctement entre chaque battement.

À ce jour, aucune méthode médicale ou hospitalière n'est en mesure de détecter cette insuffisance avant l'apparition de symptômes sévères, ce qui accroît le risque de décès post-diagnostic. Bien que l'échographie par ultrasons nous offre une imagerie en temps réel du cœur et permette de quantifier certains paramètres pour évaluer son état, elle ne donne pas d'informations sur les propriétés intrinsèques du muscle cardiaque, telles que la rigidité.

Ainsi, le projet CARDIOLOOP vise à utiliser la rigidité et la déformation pour quantifier le travail du cœur. Ce projet s'insère dans un projet plus global, mené avec Mathieu Pernot, dans lequel nous tentons de mettre au point le premier appareil à ultrasons clinique capable de mesurer la rigidité cardiaque, pour le moment chez des patients et des volontaires sains.

©David Chénière

Quelles sont les difficultés techniques de ce dispositif ?

C. P. : Plusieurs défis majeurs sont à relever ! En premier lieu, le cœur, en tant qu'organe mobile, voit sa rigidité varier au fil du temps : il est plus dur lors de la contraction et de l'éjection du sang, et plus mou lorsqu'il se relâche. Ainsi, avec mon équipe de recherche, nous avons dû synchroniser l'acquisition ultrasonore avec l'électrocardiogramme des patients pour déclencher l'acquisition au bon moment du cycle cardiaque.

De plus, en raison de la profondeur du cœur derrière la cage thoracique, il nous a fallu concevoir une sonde particulière permettant de récupérer les images entre les côtes.

Enfin, le muscle cardiaque a une structure complexe, composée de fibres ayant différentes orientations. La rigidité du muscle varie selon ces orientations. Cela a exigé la conception d'une méthode permettant de mesurer la rigidité dans toutes les directions pour balayer toutes orientations des fibres musculaires.

Quels résultats avez-vous obtenus jusqu'à présent ?

C. P. : Le dispositif a suivi toutes les étapes réglementaires nécessaires pour assurer la sécurité des patients grâce notamment au soutien des ingénieurs de l'ART. Nous avons réussi à obtenir avec succès des valeurs de rigidité pour des volontaires sains ainsi que pour des patients présentant diverses pathologies cardiaques.

Simultanément, nous sommes en train d'évaluer la mesure du travail cardiaque, autrement dit, les performances du cœur au cours du cycle cardiaque, en laboratoire avant de l'intégrer à la machine clinique. Il nous reste à valider la méthode en imagerie préclinique et à démontrer la faisabilité de la méthode sur des patients en bonne santé !

Quels sont les aspects de votre métier de chercheur à l'Inserm qui vous plaisent le plus ?

C.P. : Ce qui me passionne vraiment dans la recherche, c'est la créativité qu'elle suscite. C'est comme plonger dans un océan sans fin d'idées innovantes ! Le fait de poser des questions complexes et d'y répondre est pour moi un défi intellectuel continu, une sorte de gymnastique mentale qui me motive.

Travailler en équipe est une part cruciale de cette aventure. Cela enrichit notre vision commune et ouvre la porte à des perspectives diverses. Et bien sûr, pouvoir partager nos découvertes avec le grand public donne un sens profond à ma passion pour la recherche. C'est une manière de démystifier la science, d'inviter tout le monde à bord et de continuer à élargir la compréhension générale des avancées scientifiques.