UNOG - United Nations Office at Geneva

09/08/2024 | News release | Distributed by Public on 09/08/2024 18:36

Faim à Gaza : le chef des droits de l’homme de l’ONU « choqué » par les propos d’un ministre israélien

Le chef des droits de l'homme de l'ONU s'est dit est « choqué et consterné » par les propos du ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, selon lesquels « il serait justifié et moral de laisser mourir de faim 2 millions de Palestiniens à Gaza pour libérer des otages ».

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« Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, condamne avec la plus grande fermeté ces propos, qui incitent également à la haine contre des civils innocents », a déclaré un porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH), Jeremy Laurence, interrogé par un journaliste lors d'un point de presse de l'ONU à Genève.

Selon l'ONU, « le fait d'affamer des civils comme méthode de guerre est un crime de guerre », a-t-il rappelé. « Cette déclaration publique risque d'inciter à commettre d'autres crimes atroces ».

Le porte-parole a estimé que « de telles déclarations, en particulier de représentants publics, doivent cesser immédiatement » et « doivent faire l'objet d'enquête », en premier lieu par l'Etat concerné. « C'est donc un appel immédiat aux autorités israéliennes pour qu'elles surveillent ce type de comportement. (...). C'est la première étape. C'est la responsabilité des Israéliens », a insisté M. Laurence.

« Nous répétons ce que nous avons dit à maintes reprises, à savoir qu'il doit y avoir un cessez-le-feu immédiat, tous les otages doivent être libérés et l'aide humanitaire doit pouvoir entrer à Gaza », a conclu le porte-parole du HCDH.

Selon les agences humanitaires de l'ONU, Israël entrave gravement la réponse humanitaire à la catastrophe à laquelle sont confrontés les Gazaouis depuis dix mois, laissant ainsi la population de la bande de Gaza au bord de la famine, avec un manque d'eau potable et de médicaments.

Lutte contre la polio

Alors que les rapports des médias indiquent que les troupes israéliennes ont lancé un nouvel assaut vendredi dans la ville de Khan Younis, au sud de Gaza, la poursuite des hostilités et des ordres d'évacuation ainsi que les multiples mouvements de populations pourraient rendre difficiles la campagne de vaccination contre la polio, ont par ailleurs alerté des agences humanitaires des Nations Unies.

Cette mise en garde intervient au moment où l'Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme qu'elle travaille à une campagne de lutte contre la polio à Gaza après que le virus y a été détecté. Mais la poursuite de la guerre présente de multiples obstacles.

« Bien sûr, cette campagne serait beaucoup plus facile plus rapide à mener avec un cessez-le-feu », a déclaré dans un entretien accordé à ONU Info, Louise Wateridge, porte-parole de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), relevant que son agence travaille en partenariat étroit avec l'OMS, l'UNICEF et le ministère de la Santé pour préparer ce vaste programme de lutte contre la polio.

L'UNRWA réitère donc son appel au cessez-le-feu lancé depuis plusieurs mois, qui sera « très bénéfique à toute forme de réponse humanitaire, y compris la réponse à la vaccination contre la polio ».

Des familles régulièrement forcées de fuir

Bien qu'aucun cas clinique n'ait été diagnostiqué jusqu'à présent, la polio a été détectée dans les eaux usées des zones de Deir el-Balah et de Khan Younis à Gaza. C'est dans ce contexte que le chef de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que son agence enverrait plus d'un million de vaccins contre la polio à Gaza.

Les agences onusiennes espèrent entamer cette campagne de vaccination au cours de ce mois d'août. « Mais cela sera bien sûr plus facile, avec n'importe quel type de cessez-le-feu, n'importe quel type de pause humanitaire » dans l'enclave palestinienne.

D'autant que selon l'UNRWA, « la poursuite des ordres d'évacuation rendra cette campagne d'immunisation difficile ». « Il est incroyablement difficile de fournir des services, des soins de santé et une réponse humanitaire à une population et à ces familles sont régulièrement forcées de fuir », a insisté Louise Wateridge.

© UNRWA
Des familles à Gaza continuant de chercher un endroit plus sûr pour s'abriter.

Des mouvements de population sous une forte canicule

Cet avertissement de l'UNRWA survient au lendemain d'un nouvel ordre d'évacuation de l'armée israélienne, qui a demandé aux Palestiniens de Khan Younis de se déplacer vers une zone humanitaire désignée par Israël. Au début du mois de juillet, l'armée israélienne avait déjà ordonné aux Gazaouis de l'est de Khan Younis d'évacuer les lieux, avant d'y mener une nouvelle opération de huit jours.

« Nous avons traversé hier après-midi (jeudi) Khan Younis et les effets de cet ordre d'évacuation étaient déjà très visibles », a témoigné la porte-parole de l'UNRWA, relevant que des centaines de familles fuyaient et se dirigeaient vers l'ouest de l'enclave palestinienne.

Derrière ces « scènes horribles » et ce climat « d'exode continu », la plupart des gens se déplaçaient à pied. « Les mères portaient leurs bébés dans une main et essayaient de tenir la main de leurs autres enfants dans l'autre main. Des mères et des enfants portaient des sacs à dos ou essayaient juste de porter tout ce qu'ils pouvaient ».

Ces nouveaux mouvements de population se produisent également dans un contexte de forte canicule. « Il faisait extrêmement chaud, plus de 30°C. Les populations fuyaient en plein soleil. Mais on pouvait lire la panique sur le visage de ce garçon lorsqu'il pensait avoir perdu son plus jeune frère ou sa plus jeune sœur et qu'il s'est retourné frénétiquement pour le chercher », a détaillé Mme Wateridge.

« Ce sont des scènes horribles. Une fois de plus, ces gens sont obligés de fuir, de se déplacer, sans aucune sécurité, sans aucun endroit où aller. Et c'est tout simplement dévastateur que cela se produise encore et encore. Et nous le constatons semaine après semaine dans ces circonstances horribles où ces familles sont forcées de fuir sans préavis, presque sans biens, et sans aucun moyen d'essayer de trouver un autre endroit pour survivre », a-t-elle fait valoir.

© UNRWA
Une grande partie de la bande de Gaza a été détruite par le conflit.

« La vie d'un enfant à Gaza n'est pas une vie »

Dans ce climat de « guerre incessante », qui continue « d'infliger des horreurs à des milliers d'enfants », un porte-parole de l'UNICEF s'est dit « choqué » par « l'ampleur des souffrances », des destructions et des déplacements de population à Gaza.

Une façon de rappeler que les images que le monde voit à la télévision donnent juste un aperçu important de l'enfer que les gens endurent depuis plus de dix mois.

« Ce qu'elles ne montrent pas complètement, c'est que derrière les bâtiments effondrés, ce sont des quartiers entiers, des moyens de subsistance et des rêves qui ont été réduits à néant », a dit depuis Amman (Jordanie), Salim Oweis - Chargé de communication, lors d'un point de presse de l'ONU à Genève.

Pour l'agence onusienne, au onzième mois de ce conflit, la vie d'un enfant à Gaza n'est pas une vie. « Nous ne le dirons jamais assez : il n'y a pas d'endroit sûr et tout vient à manquer : la nourriture, l'eau, le carburant, les médicaments. Tout s'épuise ».

L'eau et les déchets constituent un « problème majeur »

« Lorsque vous marchez dans les dédales des abris de fortune, vous avez du mal à escalader le sable sur lequel ils reposent et vous sentez la forte odeur des eaux usées qui envahit les chemins alentour. Vous êtes frappés par les nombreux enfants qui tournent autour et qui posent une seule question : [Monsieur, quand la guerre va-t-elle se terminer ?] », a souligné M. Oweis.

Àl Deir al-Balah par exemple, où la plupart des personnes déplacées ont fui ces derniers mois, l'UNICEF estime que le système d'assainissement, qui fonctionne partiellement, est sept fois plus sollicité qu'il ne l'est en raison des vagues massives de déplacements dans la région. Par conséquent, le réseau d'égouts, vieux de plusieurs décennies, est en grande partie obstrué et présente des fuites.

« Les familles m'ont demandé d'urgence du savon et des produits d'hygiène. Elles utilisent de l'eau et du sel pour laver leurs enfants ou font bouillir de l'eau avec des citrons pour essayer de traiter les éruptions cutanées. Elles me disent que les médecins n'ont pas la capacité ou les médicaments pour les traiter, que des cas médicaux plus graves arrivent toutes les heures et qu'il n'y a pas de fournitures sur les étagères », a-t-il fait observer, rappelant que « c'est ainsi que les éruptions cutanées se propagent » dans l'enclave.