12/03/2024 | News release | Distributed by Public on 12/03/2024 11:39
Face à la concurrence des BigTech, des banques en ligne et des Fintech opérant à l'échelon international, les banques suisses doivent sans cesse se réinventer. Richard Hess, Responsable Finance numérique au sein de l'Association suisse des banquiers (ASB), explique dans cet entretien pourquoi la numérisation est une priorité stratégique pour l'ASB et comment cette dernière stimule le dialogue entre les banques, les Fintechs et les autorités afin de contribuer activement à forger l'avenir de la place financière suisse.
Entre les néobanques et les banques traditionnelles, la concurrence est rude aujourd'hui pour gagner la faveur de la clientèle suisse. Pourquoi les banques établies ont-elles souvent du mal à être perçues comme innovantes?
De par mon expérience opérationnelle au sein de l'ASB, j'ai une autre vision des choses. Beaucoup de nos membres ont beau être des banques «traditionnelles», ils sont très axés sur l'innovation. Ils investissent massivement dans leur transition numérique, collaborent avec des Fintech ou développent leurs propres plateformes numériques. Mais les banques ont souvent de strictes contraintes réglementaires à respecter, qui exigent dans certains cas des structures complexes. Cela influe sur le rythme de l'innovation. Je pense par exemple à la lutte contre le blanchiment d'argent, à la surveillance des risques opérationnels, ou encore à la transparence et à la protection des données que l'on doit à la clientèle. Réussir ce grand écart entre innovation et conformité, c'est difficile, mais c'est aussi une compétence clé des banques.
En d'autres termes, les banques suisses n'ont pas à rougir de leur capacité d'innovation ni de leurs réalisations en la matière par rapport à leurs homologues étrangères?
Absolument pas. Si la place financière suisse et les banques suisses ont une excellente réputation dans le monde entier, elles la doivent notamment à leurs normes élevées en matière de sécurité et de protection des données ainsi qu'à leur capacité d'innovation.
L'enjeu consiste aujourd'hui à rendre ces innovations plus visibles et à concilier, d'une part, les avantages que les banques suisses tirent de leur longue expérience et de leur crédibilité et, d'autre part, la technologie moderne. C'est la clé pour pouvoir agir efficacement dans ce contexte de concurrence.
Que fait l'ASB pour améliorer les conditions-cadres de l'innovation numérique sur la place financière suisse et pour favoriser la capacité d'innovation des banques?
L'ASB intervient à cet égard par toute une série de mesures. Concrètement, nous nous focalisons sur les principales technologies et sur leur influence dans le secteur bancaire: intelligence artificielle (IA) et utilisation des données, open finance et identification numérique, sans oublier les monnaies numériques et les crypto-actifs.
Via nos diverses plateformes, nous réunissons régulièrement des expertes et des experts de premier plan issus des banques, des entreprises technologiques, mais aussi des autorités réglementaires et de surveillance. L'objectif est de discuter des impacts des technologies numériques dans le secteur bancaire, afin d'identifier en amont les opportunités et les risques, de répondre aux inquiétudes au sein de la branche et d'accompagner la mutation technologique dès lors que c'est possible et pertinent.
Et comment procédez-vous concrètement?
En publiant des études, des rapports et des prises de position, nous créons une solide base de connaissances qui aide nos membres à préparer l'avenir.
Par exemple, nous avons co-édité récemment l'étude Digital Wallets de l'IFZ, qui montre que les portefeuilles numériques deviennent des plateformes majeures d'interaction. Il faut donc que les banques réfléchissent au rôle qu'elles entendent jouer dorénavant dans cet écosystème.
Début novembre, en collaboration avec QuantumBasel, nous avons aussi publié un rapport sur l'informatique quantique dans le secteur bancaire. Bien que cette technologie et son utilisation commerciale soient encore balbutiantes en matière financière, il ressort de notre rapport que certains aspects figurent déjà à l'agenda des décideuses et des décideurs économiques et politiques. Par ailleurs et sans grande surprise, nous sommes en train de dresser un état des lieux de l'IA générative dans le secteur bancaire.
Parler de numérisation, c'est une chose. Mais en matière d'innovation numérique, ne faut-il pas envisager aussi concrètement la mise en œuvre?
C'est exact - et voilà précisément une de nos ambitions. Avec nos membres, nous essayons de créer les passerelles requises entre «savoir», «pouvoir» et «concrétiser» - dans la mesure bien sûr où la loi nous y autorise.
Nous initions et nous coordonnons des projets communs visant à renforcer la numérisation, mais aussi la résilience de la place bancaire. Par exemple, l'ASB a lancé une initiative sur le retail multibanking qui entend notamment contribuer de manière ciblée à la réalisation des objectifs du Conseil fédéral en matière d'open finance. Je citerai aussi le proof of concept en cours sur l'émission d'un jeton de monnaie scripturale, qui examine à la fois la faisabilité de ce projet et son utilité potentielle dans le cadre du trafic des paiements en Suisse. Et bien sûr, nous ne négligeons pas le domaine de la lutte contre la fraude, pour faire front commun contre les méthodes de plus en plus sophistiquées des fraudeurs. Cela nécessite des mesures collaboratives ciblées de la part des banques, que nous soutenons également.
Une dernière question: vous allez souvent à la rencontre de la digital finance community en Suisse. Dans ce cadre, qu'est-ce qui vous a le plus impressionné récemment?
Je dirais le courage dont font preuve certaines banques suisses en intégrant des technologies comme la blockchain ou l'IA dans leurs modèles d'affaires. La branche n'hésite pas à prendre des risques quantifiables pour rester durablement performante - c'est vraiment impressionnant.
Au niveau individuel, je trouve remarquables toutes les personnes - et elles sont nombreuses - qui créent des start-up Fintech en Suisse. Avec autant de détermination que de passion, elles identifient les problèmes sur le marché, développent des solutions pragmatiques et sont ainsi sources d'innovation.
En dernier lieu, je tiens à mentionner le Digital Finance Day que nous avons organisé début novembre. La qualité et la profondeur des discussions m'ont confirmé une fois de plus qu'en Suisse, nous avons toutes les compétences nécessaires pour relever les défis des nouvelles technologies dans le secteur financier. Cela rend d'autant plus enrichissant l'engagement de notre Association et de ses membres en faveur d'une place bancaire innovante.
Richard Hess
Depuis juillet 2020, Richard Hess est responsable Digital Finance à l'Association suisse des banquiers (ASB).
Dans son rôle, il se consacre aux défis stratégiques de la transformation numérique dans le secteur financier. Avec son équipe, il analyse les questions à l'interface de la technologie, de la réglementation et de la finance et élabore des bases de décision et des recommandations d'action pour le secteur.
Avant de rejoindre l'ASB, il a travaillé comme conseiller d'entreprise dans différents secteurs, ce qui lui a permis d'acquérir une solide expérience dans la mise en œuvre stratégique et opérationnelle de projets de numérisation. Richard Hess est titulaire d'un master en relations internationales de l'université de Saint-Gall et en management international de l'université de Yonsei en Corée du Sud.