18/12/2024 | News release | Distributed by Public on 18/12/2024 15:32
Une étude menée par les équipes de Guido Kroemer et Laurence Zitvogel montre comment les benzodiazepines, massivement consommées en France, pourraient constituer un frein aux immunothérapies anticancéreuses.
Troubles anxieux, troubles du sommeil, agitation psychomotrice…, les indications sont nombreuses et surtout fréquentes, pour prescrire des benzodiazépines. Or, outre les risques de dépendance et les nombreux effets indésirables de ces traitements, ces molécules pourraient aussi interférer avec les mécanismes cancéreux et, plus particulièrement avec la surveillance immunitaire des cancers. C'est ce que laissent penser tout un faisceau d'éléments récents ainsi que, dernière pièce au tableau, une étude publiée par les équipes de Guido Kroemer et de Laurence Zitvogel (tous deux lauréats du Prix Léopold Griffuel, respectivement en 2013 et 2019) dans la revue Oncoimmunology.
Comme toujours, c'est une série d'indices qui a mené les chercheurs à se pencher en détail sur cette possible interférence. On sait, tout d'abord, que les benzodiazépines agissent en activant le récepteur GABA-A, un récepteur normalement stimulé par la protéine ACBP (endogène). Or, cette protéine n'est pas inconnue des chercheurs en oncologie puisque, selon une étude publiée par l'équipe de Guido Kroemer et de nombreux collaborateurs en septembre dernier, sa neutralisation par des anticorps est capable de booster l'immunosurveillance des différents types de cancers et améliore l'efficacité d'une immunothérapie dans plusieurs contextes expérimentaux. En outre, la même étude avait montré que le taux sanguin d'ACBP était plus élevé chez des personnes qui, dans un délai de trois ans après ce dosage, allaient recevoir un diagnostic de cancer. Sur ces bases, les équipes franciliennes, en collaboration avec des chercheurs montréalais, ont posé la question d'une potentielle interférence des benzodiazépines avec les mécanismes immunitaires liés à la protéine ACBP.
Pour y répondre, le modèle expérimental ayant permis d'établir la nature immunosuppressive de la protéine ACBP a de nouveau été exploité : l'optimisation du traitement de chimio-immunothérapie, obtenues grâce aux anticorps anti-ACBP, était annulée par l'administration de benzodiazépines en cours de traitement. Autrement dit, les mécanismes d'immunosuppression bloqués par les anti-ACBP était restaurés par les benzodiazépines, se liant au récepteur GABA-A.
Dans une deuxième étape, les chercheurs ont exploré les données issues de deux cohortes constituées à Gustave Roussy et au Centre de Recherche Hospitalier de l'Université de Montréal, regroupant de nombreux patients touchés de cancers du poumon et traités par immunothérapie. Chez ces patients, ceux qui avaient reçu des benzodiazépines dans le cadre d'une prise en charge de multiples troubles voyaient leur tumeur évoluer plus précocement que les autres et leur survie globale avait aussi tendance à diminuer. Un effet qui n'était pas observé avec d'autres traitements psychotropes et qui n'était pas lié, dans tous les cas où cela a pu être contrôlé, à un des taux différents de protéine ACBP.
En France, la consommation de benzodiazépines est de plus en plus contrôlée, du fait de phénomènes de dépendances et d'effets secondaires lourds, mais elle reste massive. En 2015, plus de 110 millions de boîtes de benzodiazépines ont été vendues (anxiolytiques et hypnotiques) et, même si la tendance est à la baisse, on estime qu'en 2023, 7,7 millions de Français ont pris des anxiolytiques et 2,5 millions des hypnotiques. Face à ces données impressionnantes, les enjeux de sécurité pharmacologiques sont importants et doivent impérativement être pris en compte dans le cas de co-médications.
R.D.
Source : Montégut, L. et al ; Benzodiazepines compromise the outcome of cancer immunotherapy ; Oncoimmunology ; Octobre 2024
Dernière mise à jour: 18-12-2024