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08/20/2024 | News release | Distributed by Public on 08/20/2024 16:11

« Le statu quo n'est pas viable » dans une Libye de plus en plus instable, affirme l’ONU au Conseil de sécurité

Les récents « actes unilatéraux » des parties rivales en Libye ont conduit à une détérioration rapide de la stabilité politique et économique couplée à une insécurité croissante, a déclaré mardi au Conseil de sécurité une haute responsable de l'ONU dans le pays.

Stephanie Koury, la Représentante spéciale adjointe et responsable de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a déclaré que ces développements « ont accru les tensions, renforcé les divisions institutionnelles et politiques et compliqué les efforts en vue d'une solution politique négociée ».

La MANUL s'efforce de promouvoir la désescalade, et elle a souligné la nécessité du soutien du Conseil.

« Le statu quo n'est pas viable », s'est alarmée Mmr Koury, précisant qu'« en l'absence de nouveaux pourparlers politiques menant à un gouvernement unifié et à des élections, vous voyez où cela nous mène : une plus grande instabilité politique, financière et sécuritaire, des divisions politiques et territoriales bien ancrées, et une plus grande instabilité nationale et régionale ».

ONU Photo/Eskinder Debebe
Stephanie Koury (à l'écran), Représentante spéciale adjointe pour les affaires politiques de la Libye et cheffe par interim de la MANUL, informe le Conseil de sécurité de la situation dans le pays.

Un pays, deux gouvernements

La Libye reste divisée entre deux administrations rivales. Le gouvernement d'unité nationale (GNU), reconnu par la communauté internationale, est basé dans la ville de Tripoli, au nord-ouest du pays, et dirigé par le Premier ministre Abdul Hamid Dbeibeh, tandis que le gouvernement de stabilité nationale (GNS) est basé dans l'est du pays.

Le GNU bénéficie du soutien consultatif du Haut Conseil d'État (HSC), tandis que le gouvernement de l'Est est soutenu par la Chambre des représentants (HoR) et l'Armée nationale libyenne (ANL).

Selon Mme Koury, les deux derniers mois ont été marqués par des mesures de sécurité unilatérales de la part de l'ANL et des forces affiliées au GNU, ce qui a provoqué une mobilisation de l'autre partie.

De violents affrontements armés

Par ailleurs, de violents affrontements entre deux groupes armés ont éclaté à Tajoura, à l'est de Tripoli, le 9 août, faisant des morts, des blessés parmi les civils et des destructions de biens. Les efforts de médiation locale ont permis de désamorcer la situation.

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« Les actions unilatérales menées par des personnalités politiques et des responsables de la sécurité compromettent également la stabilité par d'autres moyens », a-t-elle ajouté.

« Les tentatives unilatérales de destitution du gouverneur de la Banque centrale se heurtent à des tentatives de maintien. Les tentatives de destitution du Premier ministre et de son gouvernement sont contrées par des tentatives de maintien », a expliqué la haute responsable onusienne.

Des actions similaires sont également à l'origine de problèmes et d'instabilité dans la sphère économique.

Bataille budgétaire

Après des mois d'efforts pour élaborer un budget unifié - avec la participation de représentants de l'est, de l'ouest et du sud - la Chambre des représentants a adopté le mois dernier une allocation budgétaire supplémentaire qui a été « soumise unilatéralement par le gouvernement désigné par la Chambre des représentants », a fait valoir Mme Koury, ce que les dirigeants occidentaux ont dénoncé.

Elle a noté que les efforts pour changer le gouverneur de la Banque centrale se poursuivent. Le Conseil de la présidence libyenne a récemment pris la décision de nommer un nouveau gouverneur et de former un conseil d'administration, ce que la Chambre des représentants a rejeté.

« Ces efforts sont alimentés par le sentiment que la Banque centrale n'agit pas de manière transparente et avec une gouvernance équitable à la fois à l'est et à l'ouest en termes d'allocation des ressources », a affirmé la représentante onusienne pour le pays.

Vers la désescalade et le dialogue

Mme Koury a indiqué que la MANUL et les États membres de l'ONU travaillaient activement à désamorcer la situation.

« Dans un premier temps, la MANUL s'efforce de faciliter une désescalade générale et propose des pourparlers pour développer un ensemble de mesures de confiance entre toutes les parties afin de mettre fin aux actions unilatérales et de créer un environnement plus propice à la reprise du processus politique », a indiqué la cheffe par intérim de la MANUL.

Ces mesures viseraient, entre autres, à mettre fin aux actions unilatérales et à s'y engager, à rétablir la confiance dans la Banque centrale, à veiller à ce que les actions des acteurs militaires et de sécurité soient coordonnées de manière à prévenir la mobilisation et les craintes, entre autres.

Les Libyens frustrés et craintifs

Entre-temps, les Libyens sont frustrés par le statu quo qui règne dans leur pays et par les conséquences qu'il a sur leur vie.

Faire avancer le processus politique, tout en maintenant la stabilité, est la principale priorité...Je compte sur votre soutien pour aller de l'avant

« Nombreux sont ceux qui craignent que la guerre n'éclate à nouveau à l'occasion d'affrontements entre groupes armés. Ils craignent également de ne pas pouvoir s'exprimer, de ne pas pouvoir partager leurs opinions politiques dans un espace exempt de menaces. Les jeunes ne voient pas d'avenir, sauf celui d'essayer de partir. Cette situation n'est pas acceptable », a estimé Mme Koury.

Elle a indiqué au Conseil que la MANUL jouait son rôle de bons offices en s'attachant à contribuer à la désescalade des tensions, à préserver la stabilité et à favoriser les mesures de confiance, ainsi qu'à préparer l'organisation de pourparlers politiques sous l'égide de la Libye.

« Faire avancer le processus politique, tout en maintenant la stabilité, est la principale priorité de la MANUL », a-t-elle déclaré aux ambassadeurs, ajoutant « Je compte sur votre soutien pour aller de l'avant ».

Les élections locales progressent

Malgré le contexte difficile, les élections locales progressent et devraient avoir lieu à la mi-octobre.

Environ 210.000 personnes se sont inscrites sur les listes électorales et la distribution des cartes d'électeurs, ainsi que l'inscription des candidats, ont commencé le 18 août.

« Malheureusement, le taux de participation des femmes reste relativement faible, puisqu'elles ne représentent que 30 % des électeurs inscrits », a informé Mme Koury.

« Je crains également que la participation des femmes en tant que candidates soit faible », a-t-elle ajouté, appelant à des mesures plus proactives pour affronter les « nombreux obstacles » auxquels elles sont confrontées, allant de l'intimidation, à la violence en ligne et aux attaques verbales.

© UNICEF/Giovanni Diffidenti
Les ruines d'un entrepôt d'armes à Tripoli, en Libye. (archives)

Groupes extrémistes et le crime organisé demeurent présents

Abordant d'autres questions, Mme Khoury a déclaré que les organisations extrémistes maintenaient leur accès et leur présence en Libye en tirant parti de leurs liens avec le crime organisé local et transnational.

Cette relation croissante est d'autant plus préoccupante que des armes seraient entrées dans le pays, en violation d'un embargo sur les armes.

Sur le plan humanitaire, elle a indiqué que les inondations survenues dans le sud-ouest de la Libye le 16 août ont entraîné le déplacement d'environ 5.800 personnes. L'équipe de pays des Nations Unies a réagi en envoyant des fournitures humanitaires, en coordination avec les autorités.

Le nombre de réfugiés soudanais en Libye a également augmenté pour atteindre 97.000 personnes, suite au déclenchement de la guerre en avril 2023. La plupart d'entre eux arrivent à Al-Kurfa, où ils sont confrontés à des conditions difficiles. Aussi, le plan des Nations Unies pour les réfugiés n'est financé qu'à hauteur de 21 pour cent.