Bank of Canada

06/13/2024 | Press release | Distributed by Public on 06/13/2024 07:52

Une évaluation du programme d’achat d’obligations canadiennes de la Banque du Canada

Conclusion

Nous présentons un survol du PAOGC de la Banque et nous nous penchons sur les théories concernant la façon dont l'AQ se transmet aux marchés financiers et à la macroéconomie. Nous examinons également les défis inhérents à l'estimation des effets de l'AQ. À cause de ces défis, l'incidence globale de l'AQ est incertaine.

Dans cette étude, nous constatons que les rendements à terme des obligations d'État à 10 ans ont diminué de 10 à 20 points de base aux environs des annonces liées au PAOGC. Toutefois, ce changement ne représente que la composante imprévue des effets globaux de l'AQ, puisque les marchés s'attendaient probablement à ce que des mesures d'assouplissement quantitatif soient prises avant que celles-ci soient annoncées. Naturellement, le scénario hypothétique ne peut pas être observé, et les effets de l'AQ ne peuvent donc pas être mesurés directement, mais l'incidence globale de celui-ci est probablement beaucoup plus importante que ce que laissent supposer les prix observés autour des annonces. Dans un des scénarios utilisés, des calculs simples nous permettent d'estimer que le plein effet de l'AQ sur le rendement à terme des obligations à 10 ans se rapproche davantage de 80 points de base. Nous examinons divers scénarios pour estimer les effets macroéconomiques. Nous utilisons un modèle qui fait correspondre les effets sur les rendements à ceux sur le PIB et l'inflation pour estimer l'incidence de l'AQ sur ces deux variables. Dans un scénario qui prend en considération le plein effet du PAOGC, le modèle donne à penser que l'incidence de celui-ci a culminé à environ 3 % pour ce qui est du PIB, et à 1,8 % pour ce qui est de l'inflation.

Il y a beaucoup d'incertitude entourant les effets de l'AQ sur les rendements obligataires, et probablement encore plus en ce qui concerne l'incidence de l'AQ sur le PIB et l'inflation. Par conséquent, ces estimations sont à prendre avec un grain de sel. De plus, les modèles d'AQ ne rendent pas compte de la possibilité que celui-ci élimine les retombées négatives extrêmes. Par exemple, dans le scénario hypothétique d'absence d'AQ, les rendements à terme auraient pu augmenter beaucoup plus que ce que nous estimons dans le scénario de 80 points de base, car le marché aurait eu à absorber des émissions supplémentaires totalisant 340 milliards de dollars. Le modèle ne rend pas compte non plus de la possibilité que l'AQ aide à éviter une conséquence macroéconomique négative majeure.

Plusieurs questions sont encore à explorer :

  • La demande d'obligations d'État pourrait être non linéaire, et cette non-linéarité n'est pas observée directement. Nous évaluons la réaction des marchés aux environs des annonces d'AQ; toutefois, beaucoup d'incertitude demeure quant à la forme de la courbe de la demande. Cela s'explique par le fait que ces annonces ne permettent pas de tirer beaucoup d'information sur les effets des variations importantes de l'encours de la dette publique et, par extension, sur l'effet global de l'AQ.
  • Bien que nous sachions que les effets de l'assouplissement (et du resserrement) quantitatif dépendent du contexte institutionnel et économique, nous n'avons pas de bonnes estimations de l'incidence des différents facteurs.
  • Notre estimation des effets macroéconomiques de l'AQ est basée sur un modèle macroéconomique en économie fermée. La transmission de l'AQ pourrait être différente dans des petites économies ouvertes comme celle du Canada.

Ce sont là des questions qui pourraient faire l'objet de futurs travaux de recherche.

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Notes

Notes
  1. 1. Dans la présente étude, sauf mention contraire, les obligations d'État correspondent à des obligations du gouvernement du Canada. La Banque a mis sur pied plusieurs autres programmes d'achat d'actifs pour des titres de provinces ou d'entités non gouvernementales, mais nous ne traitons pas de ces programmes dans ces lignes.[]
  2. 2. Pour en savoir plus sur les mesures prises par la Banque face à la pandémie de COVID-19, voir Poloz, 2020 b.[]
  3. 3. Pour de plus amples renseignements sur les soldes de règlement, voir Chu et autres, 2022.[]
  4. 4. Une baisse de 25 points de base des rendements à terme des obligations à 10 ans procure un plus grand degré de détente monétaire qu'une baisse de 25 points de base du taux cible du financement à un jour, car il est peu probable que cette dernière persiste pendant 10 ans. De janvier 2008 à juillet 2023, il y a eu 11 annonces du taux directeur qui ont été suivies d'une variation de plus de 10 points de base du taux d'intérêt à court terme (tel que représenté par le contrat à terme sur acceptations bancaires ayant la plus courte échéance). En moyenne, pour l'ensemble de ces annonces, le taux d'intérêt à court terme a varié d'environ 19 points de base, tandis que le rendement des obligations à 10 ans a varié de 6 points de base (chaque fois en valeur absolue).[]
  5. 5. Voir aussi P. Beaudry, « Nos opérations du programme d'assouplissement quantitatif : une radiographie » (discours prononcé par vidéoconférence devant les Chambres de commerce du Grand Moncton, de Fredericton et de Saint John, Nouveau-Brunswick, 10 décembre 2020).[]
  6. 6. Ce résultat en termes de neutralité de l'assouplissement quantitatif suppose également que ce dernier n'a aucune incidence sur la politique budgétaire.[]
  7. 7. Il se peut que la part d'assouplissement quantitatif qui était escomptée avant la première annonce en la matière ait été plus importante dans le cas de la pandémie, puisque les attentes concernant l'expansion de la dette publique (cf. les déplacements de la ligne verticale SB vers la droite, dans la figure 2) auraient été plus grandes pendant la pandémie, à la fois au Canada et aux États-Unis, que durant la crise financière mondiale.[]
  8. 8. Pour simplifier l'analyse, nous supposons que ces annonces ne contiennent aucune information susceptible d'entraîner des changements potentiels des attentes visant la structure des échéances des achats de la Banque.[]
  9. 9. Le dysfonctionnement observé sur le marché des obligations du gouvernement du Canada (Fontaine, Ford et Walton, 2020) peut avoir également contribué à renforcer les attentes en matière d'AQ.[]
  10. 10. Outre l'examen des variations autour des dates de décision concernant le taux directeur, nous avons aussi mesuré les variations des prix des actifs financiers aux dates d'annonce des adjudications de la Banque, aux dates de ces opérations et aux dates auxquelles des membres du Conseil de direction ont prononcé des discours (résultats non présentés dans le présent document). Les variations des prix du marché qui se sont produites autour de toutes ces dates étaient minimes.[]
  11. 11. Les contrats BAX à trois mois comptent parmi les instruments les plus liquides et les plus activement négociés sur le marché monétaire canadien. Ils reflètent en particulier le taux CDOR (Canadian Dollar Offered Rate) à trois mois, qui s'exprime sous forme d'un taux d'intérêt annuel. Trois années de contrats BAX trimestriels sont répertoriées en tout temps. Le cycle trimestriel standard comprend mars, juin, septembre et décembre. Par exemple, pour la date d'annonce du taux directeur le 15 avril 2020, nous utilisons le contrat BAX expirant en décembre 2020; le taux exprimé dans ce contrat peut être interprété comme représentant les attentes des participants au marché pour le taux CDOR à trois mois au dernier jour de négociation de décembre 2020.[]
  12. 12. L'incidence estimée de l'AQ demeure à peu près la même si on la mesure en se fondant sur les prix des contrats à terme sur des obligations du gouvernement du Canada à 2 ans, 5 ans et 10 ans, négociés à la Bourse de Montréal, pour calculer les variations des rendements implicites.[]
  13. 13. Pour soutenir le fonctionnement du marché des acceptations bancaires, la Banque a annoncé son intention de lancer une facilité d'achat d'acceptations bancaires (FAAB) le 13 mars 2020, vers 14 h 00. Cela coïncide avec la fenêtre de temps utilisée pour l'annonce faite à cette date (14 h 08). Le repli du rendement des contrats BAX observé aux alentours de l'annonce du 13 mars pourrait donc être partiellement attribuable à l'annonce de la FAAB. Toutefois, comme les contrats BAX que nous examinons arrivent à échéance trois ou quatre trimestres plus tard et que les rendements des obligations à court terme ont connu une baisse semblable, il est probable que cette variation du rendement des contrats BAX s'explique en grande partie par l'annonce de taux d'intérêt de la Banque.[]
  14. 14. Tous les actifs financiers que nous avons examinés pour la période suivant l'annonce du 35 juin5 2020 ont connu une faible variation. À cette date, la Banque a annoncé une baisse de la fréquence de ses opérations de pension à plus d'un jour et de ses achats d'acceptations bancaires en raison de l'amélioration des conditions financières. Plus précisément, nous observons une augmentation des rendements des contrats BAX et des obligations d'État, une hausse du taux de change Canada-États-Unis et une diminution du rendement des contrats à terme standardisés sur actions.[]
  15. 15. Le 21 mars 2024, le sous-gouverneur Toni Gravelle a réitéré le point de vue de la Banque selon lequel la fourchette d'équilibre des soldes de règlement est de 20 et 60 milliards de dollars. En même temps, certains participants avaient estimé que les soldes de règlement pourraient atteindre un niveau plus élevé, se situant par exemple près de 80 milliards de dollars selon un participant (Vieira, 2024). Les rendements des obligations à 10 ans ont augmenté d'environ 4 points de base durant la période entourant le discours. Si l'on suppose que les effets du resserrement quantitatif sont aussi importants que ceux de l'AQ, et que le discours a fait passer de 15 à 25 milliards de dollars le montant auquel s'attendaient les marchés en ce qui a trait au resserrement quantitatif, nous pouvons produire une autre estimation de l'incidence du PAOGC en extrapolant les données observées en fonction de son montant total, soit 340 milliards de dollars. Ainsi, la réaction des marchés laisse supposer que ce programme d'AQ aurait eu globalement un effet sur les rendements des obligations à 10 ans se situant entre 54 et 90 points de base. Toutefois, il se peut que cet effet soit sous-estimé, car les annonces de resserrement quantitatif tendent à avoir une moins grande incidence que les annonces d'AQ (Du, Forbes et Luzzetti, 2024).[]

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