Amnesty International France

09/05/2024 | Press release | Distributed by Public on 09/05/2024 03:11

Israël/Territoire palestinien occupé. Une enquête pour crime de guerre doit être ouverte contre l’armée israélienne à la suite de destructions injustifiées à Gaza – Nouvelle[...]

Environ 11 000 Palestiniens et Palestiniennes vivaient dans la ville de Khuzaa, dans le gouvernorat de Khan Younès, dans le sud de Gaza. Dans les sept semaines après le 7 octobre 2023, des images satellites montrent qu'environ 178 structures dans la ville et autour de celle-ci ont été détruites ou gravement endommagées, dont beaucoup par des frappes aériennes. Cependant, des destructions plus importantes sont survenues lorsque les forces terrestres israéliennes sont entrées dans la ville à plus grande échelle à la fin du mois de décembre 2023. Plus de 850 structures ont été détruites ou gravement endommagées entre le 26 novembre 2023 et le 7 janvier 2024, selon le Centre satellitaire des Nations Unies.

Le 27 décembre 2023, l'armée israélienne a annoncé qu'elle avait lancé une opération baptisée « Oz et Nir », en référence au kibboutz de Nir Oz, une communauté de l'« enveloppe » de Gaza qui a été attaquée par le Hamas et d'autres groupes armés le 7 octobre 2023. Le général de brigade Avi Rosenfeld, commandant de la division de Gaza de l'armée israélienne, a écrit dans un message aux troupes : « Le jour du shabbat maudit, le 7 octobre, les horribles terroristes, qui ont commis les crimes les plus horribles imaginables, venaient de Khirbat Khizaaa (Khuzaa). Nous consacrerons toutes nos forces à éliminer les terroristes qui s'y cachent, à la surface et sous terre, et à démanteler les infrastructures du terrorisme et du mal. »

Le 28 décembre, un militaire israélien du 8219e bataillon du génie a publié la première vidéo sur les réseaux sociaux d'une démolition à Khuzaa. Il a écrit : « Le 7/10, de nombreux terroristes sont sortis de ces maisons pour massacrer les habitants de Nir Oz. Ce soir, nous en avons détruit 30. » Des images satellites confirment qu'au moins 30 habitations de la région ont été détruites entre le 26 et le 30 décembre 2023.

Dans les jours qui ont suivi, le même militaire a publié cinq autres vidéos montrant des démolitions au moyen d'explosifs, la plupart filmées depuis le même toit. On voit des militaires sourire et poser, en train de fumer des cigarettes ou des narguilés, tandis que des explosions détruisent plusieurs bâtiments en arrière-plan. Dans l'une des vidéos, trois militaires se dirigent vers la caméra alors qu'une explosion intervient derrière eux. Le texte en arabe indique : « Nous sommes revenus d'entre les morts pour vous hanter. » Les actions des militaires israéliens dans les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent qu'il n'existait pas de menace imminente à ce moment et à cet endroit.

Le 29 décembre 2023, l'armée israélienne a annoncé que ses militaires s'efforçaient de prendre le contrôle opérationnel de Khuzaa et a affirmé qu'ils avaient trouvé des dizaines de tunnels, d'armes et de lance-roquettes. Les Brigades Al Qassam, la branche armée du Hamas, avaient précédemment annoncé sur leur chaîne Telegram qu'elles avaient lancé des roquettes et des mortiers sur les troupes israéliennes depuis la région de Khuzaa.

Le 3 janvier 2024, l'armée israélienne a emmené une équipe de la chaîne israélienne Now 14 TV à Khuzaa. Des militaires ont montré comment ils utilisaient des mines antichars M15 pour détruire des bâtiments. L'équipe a interrogé des militaires à côté de bâtiments sur le point d'être démolis, ce qui indique qu'il n'y avait pas de menace imminente. Les images montrent des câbles en cours d'installation autour d'une structure sur les murs de laquelle figurent les chiffres 8219, la désignation du bataillon du génie.

Le 10 janvier, l'armée israélienne a annoncé qu'elle avait achevé son opération à Khuzaa et qu'elle avait « détruit des centaines d'infrastructures terroristes, des positions de lancement de roquettes et des postes d'observation », ajoutant que des militaires avaient « éliminé des dizaines de terroristes et découvert et détruit environ 40 conduits de tunnels ».

Cependant, des images satellites et des vidéos ont révélé que des troupes avaient également détruit des centaines de bâtiments résidentiels, un cimetière et une école primaire. La plupart des bâtiments démolis se trouvaient à une distance de 1 à 1,2 kilomètre de la barrière de démarcation. La destruction systématique de biens de caractère civil en représailles à des actions de groupes armés peut constituer une sanction collective et doit faire l'objet d'une enquête en tant que crime de guerre.

Salem Qudeih, un enseignant qui vivait à Khuzaa avec sa famille, a déclaré à Amnesty International : « Mon logement se trouvait à environ 1 650 mètres de la frontière [avec Israël]. Nous sommes partis de chez nous le 11 octobre parce que la zone était devenue trop dangereuse.

« Autour de la maison de ma famille, nous avions un verger de trois dounams (0,3 hectare) plein d'arbres fruitiers. Tout a été détruit. Il ne restait plus qu'un pommier et une rose. J'avais des abeilles et je produisais du miel. Tout a disparu maintenant. Sur les 222 maisons de mes proches dans la région, il n'en reste qu'une douzaine. Ma maison, où je vivais avec ma femme, mes cinq filles et mon fils, a été complètement détruite. »

Ma maison, où je vivais avec ma femme, mes cinq filles et mon fils, a été complètement détruite.

Salem Qudeih

Tahani al Najjar, une habitante de Khuzaa de 42 ans, a déclaré à Amnesty International : « Les bombardements ont commencé le premier jour [8 octobre 2023]. Mon oncle, sa femme, ses enfants et ses petits-enfants ont été tués ce premier matin… sept personnes. »

« Après cela, nous avons tous quitté la région, avec tous les membres de ma famille élargie. Nous sommes plus de 500 familles… Mon fils est allé voir notre maison récemment et a constaté que c'était à peu près la seule qui existe encore dans notre région, mais elle est gravement endommagée. Tout autour il n'y a que destruction. »

« Dans notre région, les familles al Najjar avaient surtout des vergers autour des maisons, où les familles cultivaient leurs fruits et légumes. Et dans toute la région, il y avait de plus grandes fermes qui produisaient des légumes et de la volaille. Une grande partie de la nourriture produite à Gaza provient de notre région. Des gens ont non seulement perdu leur logement, mais aussi leurs moyens de subsistance. L'ensemble de Gaza a perdu sa production alimentaire. »