11/28/2024 | Press release | Distributed by Public on 11/28/2024 12:41
Le seul sujet que j'ai, c'est de prendre des décisions justes et de faire en sorte que l'effort [...] de freinage de ce déficit soit le plus équilibré, le plus juste possible, en évitant de toucher ceux qui sont au cœur de l'économie, c'est-à-dire ceux qui produisent les entreprises.
Michel Barnier
Discours du Premier ministre aux petites et moyennes entreprises.
Michel BARNIER
Merci, cher François ASSELIN, de ce discours énergique, clair et pas complaisant. D'ailleurs, je n'attends aucune forme de complaisance, seulement d'être jugés par les circonstances que nous sommes sur ce que nous faisons et sur nos actes. C'est un moment grave, mesdames et messieurs, et sérieux sur le plan de l'économie qui nous entoure. Je parle de l'Europe et aussi du monde, avec des menaces de guerre commerciale, d'instabilité, de répliques du côté chinois, un moment grave sur le plan social, avec, depuis quelques mois, des nuages, davantage que des nuages qui s'amoncèlent. Sur le plan financier, je ne veux pas en dire plus, parce que je sais de quoi je parle, parce que j'ai eu l'honneur et la charge de gérer les marchés financiers pendant 5 ans à Bruxelles, au lendemain de la crise et même en plein cœur de la crise de 2010 à 2014, et je recommande de ne pas avoir la mémoire courte.
Et puis sur le plan politique, avec ces situations presque impossibles depuis la dissolution à l'Assemblée nationale. Donc, c'est un moment qui exige, comment dirais-je, de chacun, et du Premier ministre, d'abord du sang-froid et du calme. Donc je suis heureux dans cet esprit-là, avec cet état d'esprit-là, de m'exprimer devant vous, mesdames et messieurs, à l'invitation de votre président François ASSELIN et de saluer, mesdames les ministres, messieurs les députés, mesdames et messieurs, chacune et chacun d'entre vous, dans la diversité de vos responsabilités, de vos entreprises, de vos territoires, et de vous parler, si vous voulez bien, franchement, comme quelqu'un qui sait ce que vous faites et la difficulté de ce que vous faites dans vos entreprises, quelle qu'en soit la taille. Pour une raison d'ailleurs un peu plus personnelle, je parle souvent de ma mère qui s'est beaucoup engagée dans la vie associative, bénévolat, la santé mentale. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai voulu que l'année 2025 soit une année pour cette grande cause qui est la santé mentale, mais plus rarement de mon père, qui, lui, était un petit entrepreneur, à Albertville, la gainerie Barnier. Puisque j'en suis assez… C'est pas une confidence, mais cette histoire personnelle, je n'ai jamais vu mon père à la tête de cette petite entreprise, dans beaucoup de difficultés, ne pas travailler le samedi matin, le samedi après-midi et le dimanche matin. Voilà. Rarement. Et je n'ai jamais oublié ça non plus.
Donc j'ai du respect, Mesdames et Messieurs, pour ce que vous faites, et je mesure les difficultés. C'est aussi que je veux qu'on travaille dans l'écoute, la confiance, et c'est aussi pourquoi j'ai voulu réouvrir un champ pour le dialogue social entre les partenaires sociaux, Monsieur le président, dès ma prise de fonction, pour les encourager à négocier plutôt que de dire les choses d'en haut ou depuis le Parlement, le contrat plutôt que la contrainte. Et deux mois plus tard, je suis heureux que cette méthode commence, commence à porter ses fruits, notamment lorsque les partenaires sociaux sont parvenus à un accord sur l'assurance-chômage, il y a quelques jours, l'emploi des seniors et j'ai bien compris, Monsieur le président, que la CPME allait signer ces accords nationaux. Sur l'assurance-chômage, vous êtes parvenu à trouver des équilibres nécessaires pour adapter les règles d'indemnisation, baisser le coût du travail en supprimant la cotisation chômage exceptionnelle, une demande à laquelle votre organisation était attachée et réaliser des économies substantielles pour les finances publiques. Le contrat plutôt que la contrainte, et vous y êtes parvenu. Sur l'emploi des seniors, on a su trouver des compromis nécessaires à un accord qui permettra d'augmenter encore les taux d'emploi de ces salariés. Et donc, ainsi, avec vous, nous voyons que le dialogue social produit des résultats et des progrès, et je souhaite qu'on puisse continuer sur cette voie. Voilà pourquoi la ministre du Travail et de l'Emploi, Astrid PANOSYAN-BOUVET, vous a adressé une proposition de concertation, Monsieur le président, sur les aménagements justes, raisonnables, que nous pourrions ensemble apporter à notre système de retraite, tout en préservant l'équilibre financier qui avait été trouvé il y a un peu plus d'un an. D'autres sujets importants viendront rapidement, si vous en êtes d'accord, dans le dialogue social, la question de la santé au travail, de la prévention à la prise en charge des arrêts de travail, dont vous avez parlé à l'instant, la question de la prévention et de la prise en charge de l'absentéisme qui désorganise les entreprises et pèse sur la qualité du service public.
Et enfin, la question des transitions professionnelles. Sur tous ces sujets, moi, je pense que les 3 mots-clés que vous avez utilisés, Monsieur le président, dans votre discours « Visibilité, stabilité, lisibilité », voilà. Ça, ça me va bien, ça, d'ailleurs. Je veux dire que le Premier ministre aussi a besoin de visibilité [rires], a besoin de lisibilité et ensuite de stabilité, voilà. À bon entendeur, salut ! [Applaudissements] Voilà. Je dis à bon entendeur, salut ! Sur le dernier point que je viens de citer, les transitions professionnelles, les thématiques abordées durant cette conférence, cette réunion que vous avez organisée dans les différents ateliers montrent que les PME sont attentives à la transition écologique. Elles ont raison, parce que je pense que... enfin, je le pense depuis longtemps, qu'un degré et demi de plus à deux degrés de plus, comme c'est probable, certains... Probable, sur un certain temps, et certains, plus tôt qu'on ne le croit, ça va tout changer. Dans nos habitudes de produire, de nous transporter, de pêcher, de cultiver, tout changer. Je dis ça comme quelqu'un qui a présidé un département de montagne pendant 17 ans, dans lequel un tiers de l'économie repose sur la neige. 1,5 à 2 degrés de plus, ça change tout. Et puis, vous êtes aussi attentifs aux évolutions du numérique. Je le disais Paul Midy qui suit ces questions attentivement à l'Assemblée nationale, avec notamment l'arrivée de l'intelligence artificielle. Ces évolutions sont porteuses de risques, bien sûr, mais je crois qu'elles sont aussi porteuses d'opportunités, puisqu'elles amènent de nouveaux segments d'activités économiques, de nouvelles compétences et à développer de nouveaux métiers aussi. Pour anticiper ces mutations et accompagner les entreprises, l'État et les partenaires sociaux prennent déjà de nombreuses initiatives en termes de formation. Je pense qu'on doit aller au-delà dans l'anticipation et dans l'accompagnement. Et voilà pourquoi le dialogue social, à tous les niveaux, entreprise, branche, national, a un rôle essentiel à jouer.
Et je veux rappeler que la ministre du Travail, dont je salue l'initiative, a décidé de faire de l'accompagnement des entreprises dans ces évolutions un chantier majeur pour 2025. J'ai parlé d'écoute, de respect, de dialogue. Cette méthode, depuis deux mois et demi que je suis là, deux mois et demi, vaut aussi pour ce qui a été ma première tâche, ce qui est l'acte politique le plus important, pour le Parlement, pour les responsables politiques, je dis bien les responsables politiques, celui du vote du budget de la Nation. Et vous savez bien ce que c'est qu'un budget qu'il faut fabriquer. J'ai eu 15 jours pour le présenter, en raison de tout ce qui s'est passé ou ce qui ne s'est pas passé cet été, et des contraintes constitutionnelles ou institutionnelles. Jamais un Premier ministre n'a eu aussi peu de temps, n'a été autant contraint pour préparer un budget, donc un budget évidemment imparfait, avec cette réalité à l'Assemblée nationale qui est que nous n'avons aucune majorité absolue pour la première fois depuis 60 ans et qu'il y avait sur mon bureau deux lettres que j'ai trouvées en arrivant. L'une du directeur du Trésor qui me disait: le déficit 2024 est de 6,3 %, et si vous ne corrigez pas, il sera de 7 % en 2025. Puis une deuxième lettre du Gouverneur de la Banque de France qui me disait, après un long développement précis et compétent, vous devez ramener le déficit budgétaire 2025 à 5 %. 7,5. Ça fait 60 milliards.
Et ce n'est pas marrant, mesdames et messieurs, ce n'est pas par plaisir que, quand on accepte d'être premier ministre, et je l'ai accepté, même si je ne l'ai pas demandé, nous ramener de 7... potentiellement % de déficit, notre déficit commun à 5 % dans un moment où la dette que nous avons accumulée, ça ne date pas évidemment des 7 dernières années, ça remonte à beaucoup plus loin, la dette se monte à 3 226 milliards d'euros. La dette de la France, 3 226 milliards d'euros. Et où le prix de cette dette représente, l'année prochaine, si nous ne freinons pas, 60 milliards d'intérêts. 60 milliards d'intérêts. Moi, je pense, comme vous, que cet argent serait mieux utilisé ailleurs. Et comme je parle de dette, il faut aussi s'inquiéter, je le fais tous les jours, de savoir combien coûte le prix de cette dette, combien coûtent nos emprunts. Hier, on était au-dessus des taux grecs, voilà, en raison des turbulences, des petites phrases, des tweets des uns et des autres. Ça, c'est la réalité. Et donc, quand vous acceptez d'être Premier ministre dans de telles circonstances, il n'y a pas beaucoup de bonnes nouvelles. Il n'y a que des décisions difficiles à prendre. Je n'ai pas d'état d'âme.
Le seul sujet que j'ai, c'est de prendre des décisions justes et de faire en sorte que l'effort de réduction, de freinage de cette dette, la réduction, ce sera pour un peu plus tard, en tout cas, de freinage de ce déficit, soit le plus équilibré, le plus juste possible, en évitant, monsieur le président, de toucher ceux qui sont au cœur de l'économie, c'est-à-dire ceux qui produisent les entreprises. Je vais en dire un mot plus précis. Voilà. Ce budget n'est pas parfait, pour les raisons que je viens de vous dire. Nous sommes en train de l'améliorer tous les jours. Je ne parle pas de la folie fiscale d'un certain nombre de députés qui se sont cru tout permis sur le dos des entreprises et des Français, mais comme vous l'avez vu, ce budget élaboré avec le temps que nous avons donné au dialogue à l'Assemblée nationale, au débat, je n'ai pas voulu le couper tout de suite, ce budget-là, ce projet de budget a été lui-même refusé par l'Assemblée nationale elle-même. Et voilà comment nous sommes maintenant au Sénat où le Gouvernement dispose du soutien d'une majorité de sénateurs très claire et très nette et qui font du bon travail. Néanmoins, j'ai entendu tout ce qui m'a été dit à l'Assemblée nationale, y compris et d'abord par les groupes de la majorité relative qui me soutient, les quatre groupes que j'écoute et avec lesquels nous avons un dialogue constructif, même s'il est exigeant. Et donc, nous allons améliorer, nous continuerons d'améliorer ce budget pour qu'il atteigne cet objectif autour de 5 %, recommandé pour la crédibilité de la France, redresser les comptes tout en étant juste. C'est cet objectif qui impose des efforts à tous. Et pour ce qui concerne les entreprises, vous le savez, j'ai demandé en conscience une contribution exceptionnelle aux plus grandes entreprises, une contribution limitée dans le temps en ciblant ces entreprises-là. Je sais aussi que beaucoup de petites et moyennes entreprises ont des craintes, et je pense en particulier à deux points en particulier.
L'apprentissage, vous avez, vous-même François ASSELIN cité ce point qui est très important. Deux tiers des apprentis sont employés par des entreprises de moins de 50 salariés, deux tiers. Les petites entreprises contribuent depuis toujours à la formation des jeunes dans notre pays, et cette contribution est reconnue, elle a été fortement soutenue par les précédents gouvernements sur le plan financier. Je pense que, et d'ailleurs, ça m'a été dit par plusieurs chefs d'entreprise, de petites et moyennes entreprises, cet apprentissage a franchi un cap et que nous pouvons réfléchir à ajuster ce soutien pour qu'il soit juste. Et avec les ministres concernés, nous écoutons les employeurs sur ce sujet. Nous ferons en sorte et nous devons faire en sorte de ne pas casser le formidable essor de l'apprentissage et garder un soutien public lisible et juste. C'est l'engagement que je prends.
Et puis, il y a un deuxième sujet qui concerne, évidemment, l'allègement des charges trop lourdes qui pèsent depuis longtemps sur les entreprises. Leur coût par l'État, je parle de l'allègement pris en charge par l'État, est passé de 55 milliards d'euros en 2019 à près de 80 milliards d'euros cette année. 55 à 80. Je dis ça pour donner les chiffres exacts, mais aussi rappeler qu'il s'agit d'argent public. Nous avions proposé, dans notre esquisse de projet de budget, de réduire ce montant de 4 milliards. J'ai entendu la demande légitime de préserver le coût du travail dans les entreprises qui ont beaucoup de salariés au niveau du SMIC. J'ai entendu vos alertes, à l'instant encore, Monsieur le président, et vos recommandations. J'ai eu des discussions avec les parlementaires du socle commun, et nous avons décidé de préserver, finalement, intégralement, le zéro charge au niveau du SMIC pour les entreprises. [Applaudissements]
Et nous allons aller, pour les bas salaires en 2025, plus loin et même jusqu'à 2,25 SMIC. Ça représente un effort par rapport aux 4 milliards que j'avais imaginé de récupérer. Pour réduire la dépense publique, un effort de 2,4 milliards, finalement, qui vont être rendus ou préservés pour les entreprises au titre des charges sociales. C'est l'accord qui a été passé avec les parlementaires et avec le Sénat. Voilà ce que je voulais vous dire comme… Je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle, c'est une moins mauvaise nouvelle. Je ne sais pas. Mais franchement, je pense que c'est un effort dont je vous demande de mesurer dans le contexte où nous nous trouvons, où je me trouve, qui est substantiel et que je pense juste, comme celui que j'ai dû faire aussi après avoir écouté pour les communes et les départements de France, qui étaient inquiets de certaines réductions. Voilà. Nous ferons une réforme structurelle de ces allégements de charges en 2026 pour plus de lisibilité, moins de trappes à bas salaire tout en préservant la compétitivité des entreprises, notamment industrielles. J'ajoute aussi, pour être plus précis et en écho à votre propre intervention tout à l'heure, que nous allons préserver notre politique fiscale en faveur des entreprises et de l'activité. C'est la politique de l'offre qui a été menée avec succès depuis plusieurs années.
Et j'ai dit aussi, en arrivant à Matignon, sur le perron de Matignon, qu'il y avait des sujets dans l'action du Gouvernement qui arrivaient, des sujets de rupture avec la politique précédente, de changement. C'était aussi le sens des votes des Français en juillet et juin. J'ai dit aussi qu'il y avait des sujets de persévérance. Celui-ci, la politique de l'offre, le soutien aux entreprises, l'attractivité de notre pays en est un. Et voilà comment nous allons préserver le crédit impôt recherche qui pourrait évoluer à la marge dans la logique d'éviter des abus, mais qui garde, de mon point de vue, son attractivité pour les activités de recherche, avec le crédit d'impôt innovation, dont je sais qu'il était attendu et qu'il sera prolongé.
[Applaudissements]
Avec le dispositif jeunes entreprises innovantes, je l'ai buté, qui sera globalement préservé malgré une légère baisse à l'avantage fiscal. Et enfin, avec le maintien, vous l'avez cité, monsieur le président, du prélèvement forfaitaire unique et aussi du Dutreil. Voilà.
[Applaudissements]
Et puisque j'en suis à vous dire au moment où je me trouve, qui est un moment névralgique et important sur le plan politique avant les votes qui commenceront la semaine prochaine, de l'état de notre budget et de son équilibre que j'essaie de maintenir, je voudrais vous donner une dernière information qui n'est pas ancienne, qui est d'aujourd'hui, de ce matin, à propos du coût de l'électricité qui est un élément important, même si, vous avez vu tout à l'heure, le contexte global de l'énergie a baissé, heureusement, reste un élément clé pour la compétitivité des entreprises, en même temps que pour le pouvoir d'achat des ménages. J'ai écouté tout le monde sur ce sujet. D'abord, vous, les entreprises, grandes ou petites. Certaines consomment beaucoup, beaucoup d'électricité pour leurs activités. J'ai écouté et dialogué, comme je le fais chaque semaine, en confiance avec les 4 groupes, les 4 présidents des groupes qui soutiennent l'action du Gouvernement, Ensemble pour la République, Les Républicains, Horizons, Le Modem, d'autres députés qui peuvent être non-inscrits.
Et puis j'ai entrepris, dans cette dernière étape, avant la finalisation du budget, de rencontrer tous les présidents des groupes d'opposition de Marine LE PEN le lundi matin, jusqu'à Monsieur CHASSAIGNE et Madame KUCKHERMANN, les dirigeants du Parti Communiste, tout à l'heure, avant de venir vous rejoindre. Oui, mes journées sont stimulantes. Et donc, écoutez, tout le monde. Tout le monde, et en tenant compte aussi de leurs opinions, de leurs priorités, des vôtres d'abord, en tenant compte aussi du vote qui est intervenu hier au Sénat, où se trouve pour le Gouvernement un point fort de soutien et de majorité claire, j'ai décidé de ne pas augmenter les taxes sur l'électricité.
[Applaudissements]
Dans le projet de loi de finances 2025, il n'y aura donc pas d'augmentation de ces taxes sur l'électricité, ce qui permettra concrètement une baisse des prix de l'électricité le 1ᵉʳ février de 14 % au lieu des 9 % qui étaient prévus initialement.
[Applaudissements]
Ça fait plusieurs centaines de millions pour les entreprises. Et je rappelle la clé de répartition dans ce prix d'électricité que paient les ménages et les entreprises. C'est à peu près 80 % pour les ménages et 20 % pour les entreprises dont les vôtres. Mesdames et messieurs, voilà ce que je peux vous dire sur le budget et nous verrons bien ensuite dès lundi sur le projet de loi de finances de la sécurité sociale qui a fait l'objet d'un accord en Commission mixte paritaire hier soir, tard, et puis les autres votes sur le règlement de la loi de finances de 2024 et puis le projet de loi de finances de 2025. Ces mesures-là, plusieurs d'entre elles figurent dans le projet de loi de finances qui sera soumis au Parlement à la fin de cette année. Chacun prendra ses responsabilités. Moi, j'aurais pris les miennes. Je prends les miennes. Et ensuite, chacun devra prendre les siennes. Peut-être, sans abuser de votre attention, puis-je évoquer d'autres sujets qui vous préoccupent et que vous avez cités, François ASSELIN. Il y a 10 jours, j'ai rencontré un chef d'entreprise qui me disait cette phrase, ça m'a marqué. Il me dit : « chez nous, le véritable impôt, j'ai noté cette phrase, c'est celui de la réglementation et de la complexité. » Je ne veux pas dire qu'il ne tenait pas compte des autres impôts. Mais il me disait que cette complexité, cette bureaucratie, ces contrôles, cet excès de normes et de réglementations constituent aussi pour son entreprise. C'est une demande qui n'est pas seulement celle de votre Confédération et des PME français. C'est une demande qui est celle de toutes les entreprises et, j'allais dire, de tous ceux qui travaillent dans ce pays, et même des consommateurs, quelquefois. Et j'entends cette demande tous les jours parmi d'autres entrepreneurs, d'autres producteurs que sont les agriculteurs ou les pêcheurs, et que je connais assez bien pour avoir été leur ministre.
Donc, nous avons engagé très vite, depuis quelques semaines que nous sommes là, un agenda de simplification. Et je ne dis pas ça pour le besoin de ce discours ou de cette rencontre, mesdames et messieurs. Je dis ça parce que je pense qu'il y a plusieurs points de PIB à gagner dans notre pays en simplifiant, en décentralisant, en dérèglementant ce qui peut l'être, tout ce qui peut l'être. On ne se connaît peut-être pas encore bien, mais moi, je suis quelqu'un... Je ne fais pas d'esbroufes, je ne cours pas après les caméras. Je suis assez méthodique, et les ministres qui me font l'amitié de participer à mon Gouvernement le savent, donc nous allons méthodiquement, avec le ministre en charge spécifiquement de ce sujet, Monsieur KASBARIAN, et tous ceux qui y contribuent, nous allons méthodiquement simplifier, déconcentrer. Donner, par exemple, aux préfets, dans beaucoup de domaines, un pouvoir de territorialisation pour pouvoir adapter, pour pouvoir ne pas appliquer une norme ou une règle dans son territoire, dans son département comme elle est indiquée au niveau national. Ce n'est pas si simple que ça de faire ce que je viens de vous dire parce qu'il faut protéger juridiquement, presque judiciairement, les préfets quand ils exerceront ce pouvoir de simplification, de dérogation. Mais nous allons le faire et nous sommes en train de le faire.
Comme dans le domaine de l'agriculture, et beaucoup de vos entreprises sont installées ou implantées à côté d'entreprises agricoles, nous avons décidé, et ça a été une des premières tâches que j'ai conduites à bien, d'organiser le contrôle unique. Donc les préfets ont maintenant l'instruction d'organiser des contrôles uniques pour ne pas assaillir les exploitants agricoles de contrôles qui se succèdent d'un jour à l'autre. Voilà. Je suis convaincu que le coût de la bureaucratie excessive peut représenter un gain d'au moins deux points du PIB et que vous en avez besoin. Nous avons pris ce débat et cet enjeu à bras-le-corps et nous le traitons méthodiquement. Je sais aussi à quel point la CPME joue un rôle de vigie pour éviter la bureaucratisation. Je m'inscris pleinement dans votre agenda.
Est-ce que vous me permettez de vous citer juste 4 points ou 4 chantiers au sujet de la bureaucratisation, de la simplification que nous conduisons avec les ministres concernés ? Antoine ARMAND, naturellement, le ministre des Finances, Marc FERRACCI, le ministre de l'Industrie, et Guillaume KASBARIAN.
1) Le projet de loi de simplification de la vie économique qui vient d'être adopté au Sénat arrivera en tout début d'année à l'Assemblée nationale. Nous sommes à votre écoute, Monsieur le président. Je le dis pour vous, qui êtes là, et puis ceux qui vous succéderont. On a toujours des gens qui nous succèdent, vous savez… [rires], même si on n'est pas pressés [rires] [Applaudissements]. Et je suis à votre écoute sérieusement, méthodiquement pour toutes les options ou les propositions de simplification que nous porterons dans ce cadre, le débat est ouvert et des amendements sont possibles.
2) Je soutiendrai évidemment la promotion d'un test PME [Applaudissements], d'un test PME avant l'adoption de nouvelles réglementations, pas après hein, pour que ces normes, je ne dis pas, soient au service du développement, mais n'entravent pas le développement des TPE et des PME. On en a d'ailleurs parlé avec le président des Chambres de commerce aussi. Ce test PME permet de faire tester une norme par un panel d'entreprises et d'évaluer la marge… la charge administrative qu'elle représente avant l'adoption de la norme. On s'assurera ainsi, on pourrait s'assurer ainsi qu'une telle mesure est bien mise en œuvre. C'est une culture... J'ai appris pas mal de choses à Bruxelles pendant les 15 années où j'ai eu la chance d'être commissaire européen, vice-président de la Commission, et dans cette négociation très intéressante du Brexit pendant 4 ans et demi, c'est une culture que nous n'avons pas en France, qui est celle de l'évaluation. Et quand on a bien évalué régulièrement, pas tous les 20 ans, mais tous les 3 ou 5 ans, on change, et on a la capacité de changer. Donc, je voudrais, le temps que je suis là, développer cette culture du compromis dynamique - là aussi, on a des progrès à faire - et puis de l'évaluation. Voilà. Nous allons l'appliquer en tout cas pour le test PME avant l'adoption des nouvelles règles. Et le ministère des Finances - je le dis en présence d'Olivia GRÉGOIRE, qui a joué un grand rôle dans ce domaine - avait lancé un tout premier test PME, Olivia, hein, sur CSRD. Je sais que ce test avait été apprécié. Et donc, en attendant la loi de simplification, j'ai demandé au ministre des Finances d'en lancer sans attendre de nouveau, par exemple sur la facturation électronique.
[Applaudissements]
Un troisième chantier, c'est celui des formalités, démarches administratives, en particulier les formulaires CERFA. L'ensemble des obligations d'autorisation et de déclaration qui mobilisent tant de temps et de ressources dans vos entreprises, d'ici à la fin de l'année 2026, nous prévoyons de rationaliser drastiquement cet aspect en supprimant certains formulaires, en dématérialisant ceux qui ne le sont pas encore et en passant autant que possible à un simple régime de déclaration lorsque les entreprises entreprennent un nouveau projet.
4) D'autres mesures qui ne nécessitent pas forcément de modifier la loi seront mises en œuvre en parallèle du projet de loi simplification par exemple tous les outils d'aide à la décision des chefs d'entreprise qui seront proposés pour faciliter la détermination des statuts, la préparation des contrats de travail ou encore la recherche de financement pour améliorer et en améliorant la visibilité des dispositifs existants. Voilà. J'ai le souci de mener de manière méthodique, déterminée, sans cacher les difficultés ou les obstacles, cet agenda de simplification. Je vais le faire aussi dans d'autres domaines qui, d'ailleurs, vous intéressent sur certains points, celui de la surtransposition de certaines règles. En croyant bien faire, parfois en faisant du zèle, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, on a, depuis 20 ou 30 ans, sur-transposé des textes européens en créant nous-mêmes, au Parlement, et parfois sur la poussée de certaines organisations, des concurrences déloyales contre nos propres entreprises. Donc, je vais, avec le Parlement, je vais même imaginer une sorte de commission bicamérale et il y aura du boulot pour ceux qui sont dedans, des experts que nous mettrons à disposition, de faire un screening, comme on dit en patois savoyard, de tous ces textes sur-transposés. Et nous regarderons un par un, pour l'agriculture, pour les artisans, pour les PME, pour les industries, tous les textes qui créent ces concurrences déloyales que nous ne pouvons plus nous permettre… qu'on n'aurait jamais dû se permettre.
Je vais porter ce débat sur des textes européens, comme je vais le faire sur des textes nationaux, mais nous allons aussi le mener en parallèle avec ce qui se passe enfin au niveau européen après des années d'inflation normative. Je pense au Green Deal et à d'autres choses. J'étais là, à Bruxelles, quand tout ça s'est fait, une sorte d'euphorie un peu idéologique, où personne s'est occupé vraiment des conséquences de l'acceptabilité, de la faisabilité des textes qui étaient votés. J'ose à peine citer Jean JAURÈS devant votre Assemblée. Mais il disait « aller à l'idéal et comprendre le réel ». Il y a plein de gens à Bruxelles qui vont à l'idéal sans du tout regarder le réel. Il y a plein de gens aussi à Bruxelles qui ne savent pas ce que c'est vraiment une crise, ou des difficultés, ou le fait de bosser comme vous le faites. Ils ont toujours raison. Moi, j'ai été commissaire, et dans le Brexit, j'ai mené toujours de grandes équipes de hauts fonctionnaires. Et Bruxelles, on a toujours raison à Bruxelles. Et puis quand vous dites… Excusez-moi, mais… Ah, monsieur, vous n'avez pas compris, je vais vous répéter une deuxième fois. Moi, je pense, mesdames et messieurs, que, je le disais au maire l'autre jour, qu'à Bruxelles comme à Paris, parce que ça existe aussi à Paris, parfois un peu plus bas aussi, quand les fonctionnaires ou les bureaucrates prennent le pouvoir, c'est que les hommes politiques leur ont laissé le pouvoir.
Voilà. Donc, j'ai été très heureux, j'ai été très heureux du rapport DRAGHI qui est l'ancien Premier ministre italien, ancien président de la Banque centrale européenne, qui sait de quoi il parle, avec le rapport LETTA, et qui a donné une alerte très sérieuse sur le décrochage de compétitivité de l'économie européenne par rapport aux États-Unis. On pourra sans doute citer d'autres continents. Et qui dit à Madame VON DER LEYEN, qui lui a demandé ce rapport, ça tombe bien, qui lui dit que la simplification doit être, je cite, la boussole de l'activité législative de la Commission. Et ça a changé beaucoup de choses, si elle suit ce rapport qu'elle a elle-même commandé. Elle m'a dit que je l'ai rencontrée il y a quelques jours, il y a une dizaine de jours, personnellement, pour notamment la question de la trajectoire budgétaire, parce que dire "on réduit à 5 % le déficit pour atteindre 3 % en 2029", il ne suffit pas de se le dire à soi-même. Il faut que tous ceux qui sont nos partenaires européens à la Commission, qui sont en charge de ce que j'appelle le règlement de copropriété de l'Europe, nous sommes dans l'euro, et heureusement, et nous avons ce règlement de copropriété. Les fameux 3 % ou les critères de Maastricht, on peut en discuter. Mais nous avons ce règlement de copropriété et il y a un intérêt, on l'a vu au moment de la Grèce, qu'un membre qui disjoncte ou qui part en vrille, ça peut mettre en cause tout le monde. Tout l'immeuble. Donc on doit respecter et travailler ensemble. C'est ce que je suis allé voir, et c'est l'objet de la décision qui a été prise hier par la Commission européenne qui approuve… en étant très vigilante, très vigilante, qui approuve la trajectoire que j'avais proposée. Donc Madame VON DER LEYEN a demandé ce rapport. Elle l'a sur sa table. Et elle m'a dit qu'elle allait en faire la boussole de son action. Et donc il va y avoir ce qu'on appelle à Bruxelles une loi omnibus qui va balayer l'ensemble des textes où il y a un excès de normes de réglementation et de bureaucratie sans tenir compte du réel des entreprises, voilà. Je pense qu'il faut stabiliser l'environnement réglementaire, vous avez parlé de stabilité, Monsieur le président, pour les entreprises, en ne légiférant que sur les sujets prioritaires quand cela est strictement nécessaire et proportionné à nos objectifs stratégiques. Je pense qu'il faut que les lois soient moins bavardes. Je pense qu'il faut réduire le stock de textes et la charge administrative qui pèse sur toutes les entreprises, notamment en matière de reporting. Nous avons donc plaidé, dans le cadre européen, parce que c'est là la première source, pour la simplification des législations de CSRD et de CS3D, qui n'est pas encore transposé dans la loi française sur le devoir de vigilance. De manière générale, nous avons été beaucoup trop loin dans la transposition de la directive CSRD, beaucoup trop loin.
[Applaudissements]
Par exemple, en prévoyant des sanctions pénales sur lesquelles nous allons revenir. Je pense qu'on peut aussi alléger le nombre de données demandées aux entreprises assujetties. J'ai vu les questionnaires. On va appuyer sur pause, mesdames et messieurs. Moi, je préfère que les entreprises investissent dans des procédés de décarbonation plutôt que dans le reporting. Voilà ce que je pense. Parce que ça coûte des milliards. Et à côté des PME et des grands groupes, je pense qu'on gagnerait aussi à reconnaître, je me permets de vous le dire franchement, c'était un autre sujet complémentaire au niveau européen, un statut aux entreprises de taille intermédiaire. Les ETI, qui devraient bénéficier d'obligations administratives allégées, je pense qu'on devrait éviter que les normes imposées aux très grandes entreprises se répercutent sur les plus petites, qui sont leurs clientes ou qui sont leurs fournisseurs. Voilà aussi un autre sujet. Ce travail de simplification, au-delà du budget, il est fondamental pour alléger les charges administratives de vos entreprises, alléger le service de l'État aussi et éviter que tout le monde travaille dans son coin. Je pense aussi que les administrations doivent le faire en lien étroit avec les entreprises qui sont les mieux placées pour nous éclairer sur leurs difficultés. C'est pourquoi je crois à ce travail de respect, de dialogue et aussi au dialogue social. J'ai bien entendu, M. le Président, votre...
J'en termine, j'ai l'impression d'avoir été un peu long, sur votre nécessité de visibilité. Moi, j'ai dit souvent, au-delà d'un budget que nous sommes en train de fabriquer le dos au mur, dans l'urgence, l'extrême urgence et la gravité d'une situation financière et économique, il faut qu'on relève la ligne d'horizon. Moi, je suis dans cet état d'esprit-là. Si on m'en donne le temps, relever la ligne d'horizon et nourrir, je ne vais pas dire les 5 années qui viennent, parce que là, je passe par-dessus ma condition. Mais disons les deux années et demie qui sont devant nous, jusqu'aux élections présidentielles, puisque nous sommes rythmés par des élections. Nourrir ces deux années et demie de projets d'actions utiles pour la France. J'ai parlé de la simplification, ça va prendre au moins deux heures et demie. J'ai évoqué des actions en faveur de l'attractivité, du maintien du pouvoir d'achat, et puis d'autres actions plus concrètes. Par exemple, j'en cite deux.
Le fait de montrer dans ce pays que le travail, c'est le plus important, que le travail doit payer, parfois, mieux payer. En tout cas mieux payer que l'addition des allocations. Nous allons créer une allocation unique, en laissant de côté l'allocation pour handicapés, et il devra être clair que cette allocation sociale unique, c'est un gros chantier, compliqué, pour tous les bénéficiaires d'allocations, au total, devra faire une différence avec ce que rapporte le travail. Et donc, nous voulons encourager le travail. [Applaudissements]
Deuxième sujet, j'observe ça au niveau européen, mais je l'observe comme Premier ministre, il y a une épargne considérable dans notre pays qui a tendance à s'accroître au moment où les gens sont inquiets. Nous allons créer un livret d'épargne industrielle qui va encourager, il ne s'agit pas d'obliger, encourager les épargnants à mettre leur épargne dans des produits sécurisés pour l'économie industrielle dont on a tant besoin dans ce pays. Ce sont deux exemples de ces projets auxquels le Gouvernement travaille. Nous écoutons les idées du Parlement, elles sont nombreuses sur ces sujets, et nous allons les mettre en discussion très vite, en 2025. Voilà. Une chose que j'ai apprise, je vous l'ai dit, pourquoi, personnellement, familialement, c'est que la richesse de ce pays, c'est vous qui la créez, Mesdames et Messieurs. Je sais que le succès économique de notre pays repose sur vous, sur nos entreprises, sur vos entreprises et vos salariés qui forment vos entreprises, qu'il s'agisse d'entreprises industrielles, petites et grandes, PME, artisanat, service aussi, et je n'oublie pas les entreprises agricoles. Voilà pourquoi, ce que je suis venu dire aujourd'hui, c'est que je suis et je resterai à vos côtés. En conclusion, sur un plan plus personnel, ce matin, j'ai répondu à des journalistes qui m'interrogeaient pour une interview qui paraîtra sans doute demain. La dernière question, je l'ai là, c'est, quelle que soit la durée de votre passage à Matignon, quelle image souhaiteriez-vous que les Français en gardent ? J'ai répondu ceci : celle... Je ne suis pas pressé de tirer ce bilan. Ma réponse a été la suivante. Vous la lirez ; je voudrais que les Français gardent ce que je suis, celle d'un honnête homme, d'un patriote et d'un Européen qui sert dignement son pays. Je vous remercie.
[Applaudissements]