ETUC - European Trade Union Confederation

10/18/2024 | Press release | Distributed by Public on 10/18/2024 08:11

Priorités de la CES sur le budget de l'UE après 2027 et le prochain Cadre Financier Pluriannuel (CFP)

Priorités de la CES sur le budget de l'UE après 2027 et le prochain cadre financier pluriannuel (CFP)

Adoptée lors de la réunion du Comité exécutif des 15 et 16 octobre 2024

Contexte

Compte tenu des risques géopolitiques importants et des menaces extérieures, il est essentiel que le budget de l'UE garantisse que l'UE reste unie pour relever les défis liés au progrès social et à la réduction des inégalités entre les États membres. Au cours de la période 2024-2029, l'UE et ses États membres doivent obtenir des ressources supplémentaires pour renforcer la cohésion territoriale, régionale et sociale, en garantissant des emplois de qualité et des transitions justes dans nos sociétés. Cela nécessitera un budget de l'UE plus important et mieux adapté, ainsi qu'une facilité d'investissement financée par l'UE pour développer les actifs et les infrastructures sociales et environnementales.

L'autonomie stratégique ouverte fixe de nouveaux objectifs communs pour l'UE, soutenus par le cadre financier pluriannuel, dont l'ampleur nécessite des ressources accrues. Toutefois, des ressources supplémentaires doivent également être allouées pour préserver les droits, la cohésion et la solidarité, conformément au socle européen des droits sociaux et à la déclaration de La Hulpe, afin de compenser le risque d'inégalités à mesure que le marché intérieur s'approfondit.

La CES souhaite contribuer rapidement aux discussions institutionnelles et anticiper les développements politiques sur le budget de l'UE après 2027, en posant en temps utile les jalons syndicaux vis-à-vis de la nouvelle Commission.

Les demandes de la CES

Valeurs : Les règles régissant l'utilisation des fonds européens doivent garantir le respect de l'État de droit, des principes démocratiques, des droits fondamentaux de l'homme et des travailleurs, de l'acquis communautaire et des normes sociales les plus élevées de l'UE. Conformément à la position de la CES "Vers des règles plus sociales et démocratiques pour les fonds de l'UE" et à la résolution de la CES sur "Une politique industrielle pour des emplois de qualité - Conditionnalités sociales pour le progrès social", et dans la continuité de la victoire syndicale de l'EFFAT avec la PAC renégociée, les conditionnalités sociales doivent être garanties. Les conditionnalités sociales sont encore plus urgentes lorsque davantage de ressources publiques sont allouées aux entreprises : elles ne doivent être accessibles qu'aux employeurs qui garantissent des emplois de qualité, respectent les normes d'emploi et améliorent les pratiques de travail équitables. La CES réitère également son appel à une révision des directives européennes sur les marchés publics afin de garantir que l'argent public aille à des organisations qui respectent les droits des travailleurs et des syndicats, qui négocient avec les syndicats et dont les travailleurs sont couverts par des conventions collectives.

Les politiques : L'agenda de la compétitivité peut être positif mais il ne doit pas y avoir de disproportion par rapport à l'agenda social (annexe n°10). L'UE doit financer de manière adéquate la convergence vers le haut, lutter contre les inégalités, avoir une plus grande cohésion dans toutes les régions européennes et des principes horizontaux, y compris l'égalité entre les femmes et les hommes, l'égalité des chances et la non-discrimination, de manière cohérente avec les besoins. Elle doit soutenir les investissements dans les politiques vertes, les transitions justes et les politiques économiques équitables. La compétitivité doit reposer sur l'innovation, l'investissement public, les services publics, une fiscalité juste et progressive, l'investissement dans une protection sociale inclusive et de qualité, les relations industrielles et le dialogue social, des emplois de qualité et de bonnes conditions de vie et de travail.

Le budget : Le CFP de l'UE pour l'après 2027 doit être augmenté pour répondre aux besoins connus et imprévus (annexe 5). Des ressources propres supplémentaires doivent assurer le financement à long terme du budget de l'UE, ce qui est essentiel pour soutenir les initiatives de l'Union bénéficiant de manière égale à tous les États membres et pour éviter toute charge supplémentaire pour les travailleurs et les retraités.

L'agenda social doit être soutenu par des fonds appropriés et basés sur les besoins : en particulier, les fonds structurels et de cohésion, et surtout le FSE+, doivent être augmentés et renforcés afin d'investir dans toutes les régions, de renforcer la dimension sociale, et donc le marché unique et la compétitivité de l'UE. Le prochain CFP doit également soutenir de manière significative la jeunesse, assurer la continuité et renforcer Erasmus+, qui soutient également la mobilité des jeunes, des enseignants et des travailleurs du secteur de l'éducation.

Les fonds essentiels à la gestion des transitions clés doivent également bénéficier en priorité d'une augmentation du budget en fonction des besoins, en plus des fonds de cohésion et en coordination et cohérence avec ces derniers. Le Fonds pour une transition juste et le Fonds social pour le climat, entre autres, sont sous-financés. L'UE doit veiller à ce qu'ils soient confirmés après 2027 avec d'avantage de ressources, un champ d'application plus large et une révision par le biais du dialogue social. Elle doit s'attaquer à la pauvreté énergétique et à la pauvreté liée à la mobilité, traiter les conséquences sociales des politiques climatiques et soutenir les travailleurs et les ménages. La CES demande également un financement permanent de l'UE pour les services de conseil syndical tant nationaux que transnationaux, destinés aux travailleurs mobiles/migrants.

Des ressources appropriées pour la gestion des crises doivent être allouées pour faire face aux chocs mondiaux, en plus de tous les autres fonds : le CFP après 2027 ne doit pas répéter l'erreur de retirer des fonds nécessaires à la politique de cohésion pour couvrir des situations d'urgence. En outre, la résilience économique et sociale de l'UE devrait reposer sur la mise en place de stabilisateurs automatiques conçus sur la base d'expériences positives telles que SURE.

Un instrument permanent financé par l'UE pour maintenir l'investissement public à des niveaux compétitifs est nécessaire. Le récent RRF, basé sur un emprunt conjoint de l'UE par le biais d'obligations de l'UE, est une source d'inspiration pour la mise en place de cet instrument. La proposition de Mme Von Der Leyen d'un fonds d'investissement européen pour l'industrie propre est une étape positive, mais un mécanisme plus large devrait soutenir les investissements publics/sociaux, en particulier dans les domaines de l'infrastructure transfrontalière, de l'achèvement de l'union énergétique, du secteur industriel et de la requalification et de la formation. En outre, un tel instrument supplémentaire ne doit pas être mis en œuvre au détriment des instruments existants, mais les compléter de manière significative.

Les ressources du CFP ne doivent pas remplacer les engagements nationaux en matière de dépenses pour les objectifs sociaux, en particulier ceux liés à la transition juste, aux politiques du marché du travail et aux régimes de protection sociale. Les objectifs de Porto et les indicateurs des ODD devraient guider ces investissements, en alignant les stratégies financières de l'UE sur des objectifs sociaux plus larges.

La gouvernance : L'augmentation de la capacité budgétaire de l'UE devrait s'accompagner d'améliorations politiques dans la gestion des priorités : la défense et la compétitivité, par exemple, ne devraient pas être prioritaires par rapport à la cohésion sociale et à l'application de la législation sociale de l'UE.

L'UE a besoin d'un pouvoir politique plus efficace pour gérer des défis plus complexes et des ressources accrues, avec un processus décisionnel européen unifié et réactif. L'occasion se présente de revoir les processus décisionnels de l'UE dans le sens d'une plus grande transparence, d'un plus grand esprit de décision et d'une plus grande démocratie, ainsi que les domaines de compétence de l'UE d'une manière qui réponde mieux aux besoins d'aujourd'hui.

Le CFP devrait contribuer à la mise en place de "biens et services communs européens", englobant non seulement la défense, la sécurité, la compétitivité et l'autonomie énergétique, mais aussi les priorités sociales, l'éradication de la pauvreté et des inégalités, le vieillissement dans la dignité, les pensions, les soins de santé, l'éducation, la sécurité alimentaire et le logement.

La démocratisation du processus budgétaire doit garantir une plus grande implication des parlements européen et nationaux. Le principe de partenariat doit être renforcé et inscrit dans la législation européenne au-delà du champ d'application actuel du code de conduite. L'implication significative des partenaires sociaux doit être garantie dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation des fonds, y compris l'assistance technique (STI), en particulier dans les dépenses liées à la cohésion. Des ressources financières conséquentes doivent être allouées au renforcement des capacités, afin d'habiliter le dialogue social tant au niveau européen que national, de renforcer le potentiel des partenaires sociaux et le rôle du dialogue social, y compris dans les politiques de voisinage, l'élargissement et la coopération au développement.

"Réaction à l'éventuelle restructuration du budget de l'UE

La proposition de réorganisation du CFP soulève de nombreuses préoccupations qui doivent être prises en compte.

La nouvelle conception du budget de l'UE ne prévoit que trois grands fonds : les plans nationaux uniques, le Fonds européen de compétitivité et l'approche du financement stratégique, qui vise à remodeler le CFP selon les lignes et les logiques de la facilité pour la relance et la résilience (RRF).

La CES souligne qu'avant toute réorganisation du CFP, en particulier si elle a un impact sur le FSE+, la Commission ne peut pas la proposer sans une consultation des partenaires sociaux dédiée et informée.

Toute proposition de réorganisation du CFP doit être le résultat d'une telle consultation, et doit en tout état de cause répondre aux principales préoccupations suivantes :

  1. Le financement et les politiques de cohésion sociale, territoriale et économique, ainsi que le FSE+ doivent être préservés, et les dépenses pour les objectifs de progrès social doivent être augmentées, y compris le soutien aux emplois de qualité, la promotion du dialogue social et de la négociation collective, le renforcement des capacités des partenaires sociaux ;

  2. Le mode de financement RRF/NGUE proposé doit être évalué en termes de responsabilité, de contrôle budgétaire et d'application des conditionnalités (État de droit, marchés publics et conditionnalités sociales). Le renforcement du pouvoir des gouvernements nationaux pourrait risquer d'affaiblir la dimension régionale et locale, qui manque déjà de ressources et de contrôle sur les interventions basées sur les besoins ;

  3. La réorganisation risque d'anticiper le débat politique nécessaire sur le fonds de compétitivité, qui doit d'abord identifier la politique industrielle dont nous avons besoin, le rôle des investissements publics et la manière de concilier la compétitivité, l'équité sociale et la protection de l'environnement ;

  4. Le CFP ne devrait pas être lié au processus du Semestre européen. La convergence sociale et les politiques de cohésion ne peuvent être subordonnées aux contingences de l'assainissement budgétaire et aux négociations entre les États membres et la Commission européenne sur les réformes et les investissements.