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La collaboration NA62 à la recherche de particules à longue durée de vie

L'usine à kaons du CERN repousse la frontière des hautes énergies, sondant les territoires méconnus des nombreuses théories au-delà du Modèle standard

9 août, 2024

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Par Chetna Krishna

Longue de près de 270 mètres, l'expérience NA62 occupe les cavernes TCC8 et ECN3 de la zone Nord du CERN. (Image: M.Brice/CERN)

Étudier des processus de physique des particules extrêmement rares revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Cette botte de foin n'est autre qu'une quantité astronomique de données collectées auprès d'expériences à haute luminosité. L'expérience NA62 - l'usine à kaons du CERN - est chargée de produire cette botte de données de collision grâce à laquelle les scientifiques peuvent étudier des processus rares de physique des particules, et tenter de débusquer des particules de nouvelle physique interagissant faiblement. La collaboration a récemment présenté les résultats de sa première recherche de particules de nouvelle physique à longue durée de vie, à l'occasion de la 42e Conférence internationale sur la physique des hautes énergies, qui s'est tenue à Prague.

« Si les expériences menées auprès du Grand collisionneur de hadrons explorent la frontière des hautes énergies avec des collisions proton-proton à une énergie record de 13,6 TeV, les expériences à cible fixe comme NA62 repoussent la frontière des hautes intensités avec un milliard de milliards (1018) de protons envoyés sur une cible chaque année », explique Jan Jerhot, postdoctorant à l'Institut Max Planck de physique nucléaire et responsable de l'analyse des derniers résultats de NA62.

Les collisions produites par l'expérience à cible fixe NA62 donnent lieu à un maximum de 1012 désintégrations de kaons de charge positive (<_m3a_omath><_m3a_ssup><_m3a_ssuppr><_m3a_ctrlpr><_m3a_e><_m3a_r>K<_m3a_sup><_m3a_r>+) par an, soit une luminosité bien supérieure à celle permise par les expériences avec collisionneurs. Les cibles fixes et les collisionneurs constituent deux approches complémentaires pour tenter de découvrir une nouvelle physique au-delà du Modèle standard. L'énergie, l'impulsion et la résolution temporelle du détecteur de NA62 sont excellentes, rendant possible la recherche de processus extrêmement rares dans ces immenses ensembles de données.

L'expérience NA62 cumule deux modes d'exploitation. En mode « kaon », son fonctionnement standard, elle permet essentiellement d'étudier des processus rares mettant en jeu des kaons, comme la désintégration d'un kaon en un pion de charge positive et une paire neutrino-antineutrino (notée <_m3a_omath><_m3a_ssup><_m3a_ssuppr><_m3a_ctrlpr><_m3a_e><_m3a_r>K<_m3a_sup><_m3a_r>+<_m3a_r><_m3a_ssup><_m3a_ssuppr><_m3a_ctrlpr><_m3a_e><_m3a_r>π<_m3a_sup><_m3a_r>+<_m3a_r>νvbar). Le mode « arrêt de faisceau », dans lequel le faisceau de protons issu du Supersynchrotron à protons est éjecté vers un absorbeur, est quant à lui dédié à la recherche de nouvelles particules lourdes, le tout dans des faisceaux de protons à l'intensité doublée par rapport au mode « kaon ». À l'occasion de l'ICHEP, la collaboration NA62 a présenté les résultats préliminaires de sa recherche d'une nouvelle particule à longue durée de vie, menée au moyen de données obtenues à partir de 1,4 x 1017 protons sur cible, issus de l'exploitation en mode « arrêt de faisceau » en 2021.

La collaboration s'est notamment intéressée aux désintégrations d'une particule au-delà du Modèle standard en deux hadrons chargés électriquement, comme les pions et les kaons, et à la désintégration des hadrons neutres en photons. Ces désintégrations pourraient être celles de nouvelles particules, qui s'inscriraient dans des théories au-delà du Modèle standard et pourraient être des candidats prometteurs pour expliquer l'insaisissable matière noire, par exemple des particules de type axion, des photons noirs et des bosons de Higgs noirs.

D'après Felix Kahlhoefer, professeur de physique théorique à l'Institut de technologie de Karlsruhe, en Allemagne, puisque les derniers résultats de NA62 ne s'inscrivent pas dans un modèle en particulier, la communauté mondiale de la physique peut réinterpréter ces derniers pour apporter des limites à de nombreux modèles différents au-delà du Modèle standard. « L'acquisition simultanée d'informations sur tout un ensemble de canaux de désintégrations permet de distinguer différents modèles de particules à longue durée de vie au-delà du Modèle standard », explique le scientifique.

La cible de l'expérience NA62 et ses calorimètres sont éloignés de 240 mètres, ce qui rend l'expérience particulièrement adaptée à la recherche de particules de nouvelle physique à longue durée de vie capables de parcourir des distances macroscopiques avant de se désintégrer. Ces particules sont difficilement détectables par les détecteurs du LHC, comme ATLAS (long de 46 mètres) et CMS (long de 21 mètres), ces derniers n'ayant généralement pas le temps d'observer ces particules exotiques se désintégrer avant qu'elles ne sortent du détecteur.

L'exploration de ces zones d'ombre de la physique pourrait permettre de résoudre certains problèmes que le Modèle standard, si robuste qu'il soit, peine à expliquer. Si les dernières analyses n'ont pas mis en évidence de nouveau signal de physique, l'expérience NA62 est parvenue à exclure certaines régions de masses et certaines forces d'interaction des théories au-delà du Modèle standard. Les scientifiques de NA62 prévoient d'étudier sept fois plus de données issues de l'exploitation en mode « arrêt de faisceau » (par rapport au mode d'analyse actuel) d'ici à la fin de la prochaine période d'exploitation pour la physique de NA62, espérant ainsi comprendre des évènements extrêmement rares en physique des particules.

La collaboration NA62 à la recherche de particules à longue durée de vie (Video: CERN)