INRAP - Institut national de recherches archéologiques préventives

10/17/2023 | News release | Distributed by Public on 10/17/2023 05:29

Un atelier de tuilier des XIe-XIIe siècles à Beaupréau-en-Mauges (Maine-et-Loire)

Des espaces dédiés pour l'activité tuilière

L'atelier de Beaupréau a produit des matériaux en terre cuite pendant quelques décennies tout au plus, probablement dans la seconde moitié du XIIe siècle. Le site est principalement structuré par un enclos ovoïde d'une vingtaine de mètre de diamètre, dans lequel un bâtiment est installé : il est organisé en deux espaces distincts et accueille une cave de 2,85 m de profondeur, desservie par un escalier taillé dans l'argile.

L'enclos et son bâtiment sont caractéristiques des habitats du Moyen Âge central régionaux. L'activité tuilière s'effectuait principalement en dehors de l'enclos : elle, est caractérisée par une zone d'extraction, un four avéré, ainsi qu'un possible bâtiment annexe. Elle a toutefois aussi pu se dérouler en partie à l'intérieur de l'enclos, comme l'atteste la présence d'une motte d'argile stockée dans la cave.

Une production de tuiles et de briques

Le four n'a été découvert que démantelé et rejeté dans la fosse d'extraction principale. Sa base était construite en gros blocs de quartzite et en tuiles, tandis que sa voûte était armée avec des files juxtaposées de pots emboités ; le tout était assemblé et enduit par de l'argile, dont de très nombreux restes portant des empreintes de pots et de tuiles.

Ce four a produit à 99 % des tuiles creuses à crochet utilisées sur des toitures à forte pente, mais également quelques tuiles de faîtage à boutons. Plus étonnantes sont les dérivés de tegulae, longues mais étroites tuiles à rebords. Des grandes briques épaisses, du type de celles utilisées pour les soles de fours à pain, ont aussi été produites. Des briques rondes ou demi-rondes à la fonction indéterminée ont fait l'objet d'un traitement décoratif particulier : elles sont couvertes d'une estampille représentant un loup à queue en panache, qu'accompagne un semis de poinçons cruciformes. Le cartouche se retrouve également sur certains rebords de tegulae en file continue, et positionné dans des angles de brique en « signature » d'atelier.

L'étude de la carrière, dont la totalité a été observée dans l'emprise de la fouille, a permis d'estimer le volume total d'argile extrait, qui serait compris entre 80 et 105 m3 ; elle donne un équivalent-tuiles de 80 à 105 000 individus. Ces chiffres ont pu être étalonnés par rapport aux ateliers moderne et contemporain : ils indiquent que la production totale de l'atelier était en réalité plutôt faible. Elle correspond à la production annuelle d'un atelier de moyenne ou faible importance, employant saisonnièrement entre un et trois ouvriers.

Une installation pionnière dans les Mauges

L'occupation pourrait correspondre à une implantation « pionnière » permettant la mise en valeur et l'exploitation de territoires en marge des occupations groupées. Le commanditaire d'un tel atelier ne peut appartenir qu'à l'élite seigneuriale de Beaupréau ou à celle, religieuse, des possessions dépendant de l'abbaye Saint-Serge d'Angers. Il est certain en revanche que cette tuilerie, aussi modeste soit-elle en terme de capacité productive ou de durée de fonctionnement, est un jalon important dans l'histoire des terres cuites régionales. Par le type de matériaux produits et par ses vestiges immobiliers elle se tourne résolument vers le second Moyen Age, mais par la persistance de traditions plus anciennes (tuile à rebords) et par les tâtonnements techniques, elle se place dans une période de tâtonnement, en recherche d'un savoir-faire qui a presque disparu depuis près de cinq siècles dans le nord de la Gaule. Les tuiliers de Beaupréau étaient parmi les premiers tuiliers d'une aire géographique, les Mauges, qui deviendra un important secteur de production de « produits rouges » pendant l'époque moderne, puis au cours des XIXe, XXe et même XXIe siècles.

Matériaux en terre cuite (tuiles creuses, briques, parois de four) après identification et décompte sur le site.

Aménagement : Alter-cités
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie (Drac Pays de la Loire)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Jean-François Nauleau, Inrap