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10/01/2024 | Press release | Archived content

Les personnes réfugiées à Aruba doivent être mieux protégées

Sur l'île d'Aruba, les réfugié·e·s originaires du Venezuela sont victimes d'un manque de dispositions législatives relatives à l'asile. La crise postélectorale au Venezuela montre l'urgence et la nécessité d'adopter des lois sur l'asile qui, d'une part, protègent les Vénézuélien·ne·s fuyant la crise des droits humains dans leur pays et, d'autre part, facilitent et garantissent leurs droits fondamentaux à Aruba à leur arrivée.

L'île d'Aruba n'est qu'à 24 km des côtes du Venezuela. De nombreux Vénézuélien·ne·s la rejoignent de façon irrégulière à l'issue d'une dangereuse traversée maritime et sont automatiquement placés dans des centres de détention avant d'être expulsés.

C'est l'une des conclusions d'un nouveau rapport de recherche d'Amnesty International, intitulé Unprotected - Unveiling Gaps in Refugee Protection for Venezuelans in Aruba, rendu public mardi 1er octobre. Ce rapport met en évidence le manque de dispositions législatives relatives à l'asile à Aruba, les problèmes liés à la détention des personnes demandeuses d'asile et réfugiées et les préoccupations concernant le traitement de celles qui viennent du Venezuela, y compris les enfants.

Il s'agit de la première enquête d'Amnesty International sur les demandeurs et demandeuses d'asile vénézuéliens à Aruba.

Demander l'asile à Aruba

Aruba, qui est un territoire des Pays-Bas et dont la population s'élève à 107 151 habitant·e·s, est une destination prisée des Vénézuélien·ne·s en quête de protection depuis le début de la crise dans leur pays. Selon certaines estimations, au 30 juin 2023, quelque 17 000 ressortissant·e·s du Venezuela vivaient à Aruba.

Aucune liaison aérienne directe ne relie le Venezuela et Aruba depuis 2018, et les Vénézuélien·ne·s doivent remplir certains critères d'octroi des visas et détenir des documents exigés pour entrer sur le territoire d'Aruba. Ces documents sont actuellement difficiles à obtenir pour nombre d'entre eux et beaucoup rejoignent Aruba au moyen d'une traversée maritime dangereuse.

Les Vénézuélien·ne·s peuvent déposer une demande d'asile de plusieurs façons à Aruba : dès leur arrivée sur l'île par des moyens réguliers (légaux) ; une fois entrés à Aruba ; ou après leur placement dans un centre de détention pour personnes migrantes.

« Bien qu'Amnesty International comprennent que les conditions sont difficiles pour une île comme Aruba, a déclaré Dagmar Oudshoorn, directrice d'Amnesty International Pays-Bas, ce territoire a ratifié des traités internationaux relatifs aux droits humains qui prévoient des droits et des obligations en matière de personnes réfugiées et d'asile. »

Bien qu'Amnesty International comprennent que les conditions sont difficiles pour une île comme Aruba, ce territoire a ratifié des traités internationaux relatifs aux droits humains qui prévoient des droits et des obligations en matière de personnes réfugiées et d'asile

Dagmar Oudshoorn, directrice d'Amnesty International Pays-Bas

Aruba est partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et doit respecter ses obligations, notamment le principe de « non-refoulement », qui interdit de renvoyer quelqu'un dans un pays où il risque d'être victime de persécution, de torture ou d'autres atteintes aux droits humains, comme actuellement au Venezuela.

Rôle des autorités néerlandaises

« Amnesty International s'oppose à l'expulsion des personnes vénézuéliennes et s'inquiète pour leur protection à Aruba, a déclaré Dagmar Oudshoorn. L'organisation est également préoccupée par le rôle joué par les autorités néerlandaises dans la prise en charge des personnes réfugiées à Aruba. »

Amnesty International s'oppose à l'expulsion des personnes vénézuéliennes et s'inquiète pour leur protection à Aruba. L'organisation est également préoccupée par le rôle joué par les autorités néerlandaises dans la prise en charge des personnes réfugiées à Aruba

Dagmar Oudshoorn

Les Pays-Bas soutiennent en effet Aruba pour la prise en charge des réfugié·e·s vénézuéliens. Ce soutien consiste en une aide financière et technique. Le gouvernement néerlandais a payé des vols utilisés pour expulser des Vénézuélien·ne·s, ce qui signifie que les Pays-Bas ont aussi bafoué le principe de « non-refoulement ».

Des documents des deux gouvernements en apportent la preuve. Le soutien du gouvernement néerlandais e s'est porté avant tout sur le suivi des déplacements des Vénézuélien·ne·s ainsi que sur leur détention et leur expulsion, plutôt que sur leur protection.

Détention forcée des personnes migrantes

Les Vénézuélien·ne·s qui entrent à Aruba par des moyens illégaux sont arrêtés et placés dans des centres de détention pour personnes migrantes. À leur arrivée, un ordre de détention leur est présenté et tous leurs effets personnels, y compris leur téléphone, sont confisqués. Un juge doit statuer sur la légalité de leur placement en détention sous 72 heures. Les personnes détenues dans ces centres peuvent déposer une demande d'asile, mais elles ne sont pas toujours au courant de cette possibilité.

Des Vénézuélien·ne·s ayant été retenus dans des centres de détention pour personnes migrantes ont indiqué avoir subi des pressions pour signer des ordres d'expulsion. Étant donné que ces documents sont rédigés en néerlandais, la plupart des Vénézuélien·ne·s ne comprennent pas ce qu'on leur fait signer. Par ailleurs, les conditions de vie dans ces centres de détention sont mauvaises. Les avocat·e·s n'ont pas librement accès aux personnes qui y sont détenues. Des femmes enceintes et des personnes ayant des problèmes de santé sont enfermées et expulsées. Certains Vénézuélien·ne·s ont déclaré avoir été traités de façon humiliante et xénophobe.

« J'ai dormi par terre dans un conteneur pendant neuf jours, sans eau, ni lumière, ni vêtements propres, ni savon, ni brosse à dents. Je n'étais pas autorisé à sortir prendre l'air », a raconté « Omar », qui a été placé en détention dans un conteneur de transport.

J'ai dormi par terre dans un conteneur pendant neuf jours, sans eau, ni lumière, ni vêtements propres, ni savon, ni brosse à dents. Je n'étais pas autorisé à sortir prendre l'air

« Omar », qui a été placé en détention dans un conteneur de transport

Amnesty International demande la mise en place de mesures

Amnesty International appelle les autorités d'Aruba à adopter une législation sur l'asile, avec des dispositions spécifiques pour les mineur·e·s. Aruba doit veiller à ce que le Conseil des tutelles (Voogdijraad) soit sollicité pour tous les cas où des enfants sont concernés, et qu'aucun enfant ne soit détenu. En outre, les personnes demandeuses d'asile, réfugiées et migrantes de nationalité vénézuélienne doivent avoir accès à des procédures d'asile équitables et efficaces, notamment en étant informées en espagnol de leurs droits. Aruba ne doit pas renvoyer de force des personnes vénézuéliennes au Venezuela, ni placer automatiquement en détention celles qui entrent à Aruba par des moyens illégaux.

Le gouvernement néerlandais doit s'assurer que les droits fondamentaux soient respectés et protégés dans tous les territoires du royaume des Pays-Bas, et que son aide financière et technique ne donne pas lieu et ne contribue pas à des violations des droits humains à Aruba.

Complément d'information : la crise au Venezuela

Depuis 2014-2015, la population du Venezuela est de plus en plus confrontée à des privations qui portent atteinte à ses droits économiques et sociaux, en particulier dans les domaines de la santé et de l'alimentation. Au moins depuis 2017, de nombreux Vénézuélien·ne·s ont fui le pays à cause des politiques répressives du gouvernement de Nicolás Maduro visant systématiquement les membres de l'opposition et les personnes critiquant les autorités. Ces politiques ont donné lieu à de multiples violations des droits humains, telles que des exécutions extrajudiciaires, un recours excessif à la force, des détentions arbitraires, des actes de torture et d'autres formes de mauvais traitements.

La crise au Venezuela se caractérise par une urgence humanitaire qui ne cesse de s'aggraver, des violations systématiques des droits humains et un profond ralentissement économique et politique.

En raison des dysfonctionnements de l'état de droit au Venezuela, les citoyens et citoyennes ne peuvent pas obtenir de protection dans leur propre pays. Outre les atteintes aux droits humains, le Venezuela fait face à des inégalités croissantes et une chute des salaires qui rend la majorité de la population incapable de payer des produits de base. Les pénuries sont généralisées dans la fourniture de services essentiels tels que la distribution de gaz, d'électricité et d'eau.

Cette crise pluridimensionnelle a laissé plus de 7,71 millions de Vénézuélien·ne·s, soit 25 % de la population, sans autre choix que de quitter le pays et de chercher une protection ailleurs, provoquant l'un des plus grands mouvements de population au monde. Les pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont accueilli la majorité de ces réfugié·e·s (environ 6,5 millions).

Aruba, qui est un territoire des Pays-Bas et dont la population s'élève à 107 151 habitant·e·s, est une destination prisée des Vénézuélien·ne·s en quête de protection depuis le début de la crise dans leur pays. Ce n'est pas seulement la proximité d'Aruba - île située à seulement 24 km de l'État de Falcón, au Venezuela - qui les attire, mais également les liens sociaux, économiques et historiques qui existent entre les deux pays depuis plusieurs décennies. Selon certaines estimations, au 30 juin 2023, quelque 17 000 ressortissant·e·s du Venezuela vivaient à Aruba.

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