11/25/2024 | News release | Archived content
De nombreuses femmes journalistes sont victimes de cyberharcèlement à travers le monde, a fortiori celles qui travaillent spécifiquement sur les questions de genre ou les violences sexistes et sexuelles. Ces attaques répétées et souvent anonymes ont pour but de les décrédibiliser, de les intimider et de les contraindre à abandonner leur travail. Au sein de l'Union européenne (UE), Reporters sans frontières (RSF) appelle à la transposition rapide d'une récente directive qui reconnaît la spécificité de ces crimes et exige des États membres une réponse pénale adaptée.
"Le cyberharcèlement a beaucoup d'impact sur mon activité de journaliste, témoigne la journaliste française Salomé Saqué dans le dernier rapport de RSF Le journalisme à l'ère MeToo. Je prends en compte ce risque dans ma pratique. Il y a certains sujets que je refuse de traiter à certains moments, car je n'en ai pas la force." On se souvient aussi de l'attaque en ligne subie par la journaliste d'investigation Emilia Șercan. Un mois après avoir révélé que Nicolae Ciucă, alors Premier ministre de Roumanie, avait plagié sa thèse de doctorat, elle a découvert que cinq de ses photos personnelles avaient été volées et téléchargées sur 31 sites web pour adultes.
En mars 2022, la Commission européenne a mis sur la table une proposition de directive visant à lutter contre les violences faites aux femmes et la violence domestique . Adoptée en mai dernier (Directive UE 2024/1385 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique), elle fait du cyberharcèlement contre les femmes un acte pénalement répréhensible à l'échelle européenne et harmonise partiellement les peines assorties - de un à cinq ans d'emprisonnement.
"Comme l'a montré le rapport de RSF 'Le journalisme à l'ère MeToo', les femmes journalistes à travers le monde sont particulièrement visées par diverses formes de cyberharcèlement. Les insultes et les menaces qu'elles reçoivent, ou les montages crapuleux dont elles font l'objet avec l'usage non-régulé de l'intelligence artificielle, ont pour but commun de les faire taire. Ce problème d'ampleur, qui ne connaît pas de frontières, est l'affaire de tous, pas seulement celle des femmes victimes. Il s'agit d'une menace directe pour le droit à l'information et c'est pourquoi RSF salue l'adoption par l'UE de cette directive qui reconnaît la gravité spécifique du cyberharcèlement contre les femmes journalistes. Nous appelons donc les États membres à adopter, sans attendre l'expiration du délai de transposition en 2027, les mesures de droit pénal qui s'imposent pour que cesse l'impunité de la cyberviolence dirigée contre les femmes journalistes européennes.
L'article 11 de cette directive européenne reconnaît que le préjudice est supérieur lorsque la cyberviolence est dirigée contre des catégories particulières de femmes, dont celles qui exercent la fonction de journaliste. En d'autres termes, le fait que la victime de cyberharcèlement - notion qui comprend le partage non consenti de matériel intime ou manipulé ("revenge porn") - soit une femme journaliste constitue une circonstance aggravante devant déboucher sur le prononcé de sanctions plus lourdes.
Aux États membres désormais de donner la priorité à la lutte contre le cyberharcèlement des femmes journalistes
La directive impose aux États membres de l'UE d'adapter leur droit pénal de façon à refléter cette nouvelle disposition qui attribue une gravité spécifique aux cyber violences commises envers les femmes journalistes. Il s'agit d'une nécessité au regard de la protection des droits des victimes et du droit à l'information. Pour combattre le sentiment d'impunité permis par l'anonymat numérique, et empêcher l'autocensure, il est impératif de réprimer fermement les cyber harceleurs qui s'en prennent au journalisme au sens large.