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CRE - Commission de Régulation de l'Énergie

03/29/2023 | News release | Distributed by Public on 03/29/2023 02:03

L'énergie du droit - numero 60

EN BREF

LES TEXTES

Décret relatif aux modalités d'application de l'amortisseur électricité pour 2023

LE JUGE

Confirmation par le Conseil d'Etat de la légalité de l'attribution exceptionnelle d'un volume additionnel d'ARENH de 20 TWh en 2022

Projet « Aquind » d'interconnexion électrique entre le Royaume-Uni et la France : confirmations par le TUE du rejet de la demande d'exemption et de l'absence d'inscription dans la liste des « projets d'intérêt commun » de l'Union

L'EUROPE

Aides d'Etat : autorisation d'un régime de garanties français de soutien aux entreprises consommatrices d'énergie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie

LA REGULATION

Médiateur national de l'énergie : rappel de l'obligation pour les fournisseurs d'apporter une information claire et loyale aux consommateurs à la signature d'un contrat

Autorité de la concurrence : analyse du fonctionnement concurrentiel du secteur des infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE)

ET AUSSI…

Réponses de l'ACER, du CEER et de la CRE à la consultation publique organisée par la Commission européenne sur la réforme du fonctionnement du marché européen de l'électricité rapport sur le cadre réglementaire des European Energy Networks en 2022 et programme d'activités pour 2023

[Actualités de février 2023]

Pour consulter la veille juridique : déroulez cette page ou téléchargez la veille en version .pdf

LES TEXTES

Décrets

Décrets relatifs aux modalités d'application de l'amortisseur électricité pour 2023 et à l'aide supplémentaire pour les très petites entreprises (TPE) bénéficiaires du bouclier tarifaire et de l'amortisseur électricité

Le décret n°2023-61 du 3 février 2023 modifie le décret du 31 décembre 2022 afin de permettre aux fournisseurs d'électricité ayant moins d'un million de clients résidentiels de demander de percevoir une avance sur la compensation des pertes de recettes dans l'objectif de limiter les effets de saisonnalité sur le montant des factures de leurs clientèles. Ce décret bonifie l'amortisseur électricité pour les consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros (TPE), pour leurs sites souscrivant une puissance supérieure à 36 kilovoltampères. Ils peuvent bénéficier d'une aide dont la quotité, le prix d'exercice sont fixés respectivement à 100%, 230 €/ MWh et 1 500 €/ MWh lorsqu'ils ont signé ou renouvelé un contrat de fourniture d'électricité pour 2023 entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 et dont le prix de la part variable de l'électricité, hors taxes, hors acheminement, moyen en euros par mégawattheure résultant de leur contrat pour l'année 2023 excède 280 €/ MWh en moyenne annuelle.

Le décret n°2023-62 du 3 février 2023 crée une aide supplémentaire pour les TPE bénéficiaires du bouclier tarifaire et de l'amortisseur électricité, dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement, afin d'assurer une limitation du prix moyen sur l'année 2023 à 230 €/MWh hors taxe et hors TURPE et apporte des corrections aux décrets mettant en œuvre les boucliers tarifaires sur l'électricité et le gaz aux logements collectifs pour le second semestre 2022 et pour 2023.

Décret relatif aux modalités de coupure et de résiliation, en cas d'impayé, pour les ménages bénéficiaires du chèque énergie et du fonds de solidarité pour le logement équipés d'un compteur communicant

Un décret du 24 février 2023 modifie le décret du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau. En cas d'impayé en électricité, ce décret fixe, pour les ménages bénéficiaires du chèque énergie ou du fonds de solidarité pour le logement, une période minimale de 60 jours de réduction de puissance préalable à la coupure et à la résiliation, pour les logements équipés d'un compteur communicant.

Consulter le décret n°2023-133 du 24 février 2023

Arrêtés

Arrêtés précisant les modalités de l'ordonnance et du décret portant transposition de la directive 2018/2001/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables

Quatre arrêtés du 1er février 2023 précisent les modalités communes de mise en œuvre de l'ordonnance n°2021-235 et du décret n°2021-1903 en particulier concernant :

  • la liste des aires protégées pertinentes pour l'application desdits textes en France, les modalités de justification des exemptions prévues par ces textes dans le cadre d'un système national, les modalités de mise en œuvre du bilan massique et certaines modalités de calculs des émissions de gaz à effet de serre ;
  • la filière de production d'électricité à partir de bioliquides ou de combustibles issus de la biomasse, notamment en matière de méthodologie de calcul des émissions de gaz à effet de serre, et de contenu des attestations et déclarations de durabilité ;
  • la filière de production de chaleur et de froid à partir de bioliquides ou de combustibles issus de la biomasse, notamment en matière de méthodologie de calcul des émissions de gaz à effet de serre, et de contenu des attestations et déclarations de durabilité.

Principales délibérations de la CRE

Délibération portant décision sur l'organisation du guichet de déclaration de charges de service public de l'énergie par les fournisseurs d'électricité au titre des dispositifs de boucliers et d'amortisseurs de mars 2023

Par une délibération du 23 février 2023, la CRE précise le fonctionnement opérationnel du second guichet d'évaluation des pertes de recettes supportées par les fournisseurs d'électricité et met à jour sa délibération n°2022-354 du 15 décembre 2022 organisant le guichet du 20 janvier 2023 (cf. L'Energie du droit n° 58, janvier 2023).

Dans le cadre de la mise en œuvre des dispositifs de compensation des pertes de recettes supportées par les fournisseurs, un premier guichet d'acompte simplifié relatif à l'électricité s'est tenu entre le 1er janvier et le 20 janvier 2023.

Le second guichet s'est tenu jusqu'au 15 mars 2023 et, sur la base des déclarations reçues, la CRE réévaluera au plus tard le 17 mai 2023 les pertes prévisionnelles et le montant des acomptes à verser aux fournisseurs.

Il a lieu dans un format simplifié et similaire au premier guichet. Ce guichet étant facultatif, la CRE n'exigera pas les certifications des déclarations par les CAC. En l'absence de soumission de dossier au guichet du 15 mars, les déclarations seront considérées inchangées par rapport au guichet de janvier.

Tous les fournisseurs ayant participé aux guichets de déclaration du 20 janvier et/ou du 15 mars 2023 devront transmettre à la CRE une déclaration mise à jour de leurs pertes prévisionnelles au titre des dispositifs de boucliers et d'amortisseurs, avant le 30 avril 2023, dans le cadre de la réévaluation des charges de service public de l'énergie au titre de 2023.

Délibérations relatives à l'évaluation des acomptes versés aux fournisseurs d'électricité et de gaz naturel pour la compensation des pertes de recettes définies à l'article 181 de la loi de finances pour 2023

Par une délibération du 25 janvier 2023, la CRE évalue les pertes de recettes prévisionnelles des fournisseurs de gaz naturel pour le 1er semestre 2023, en application de l'article 181 de la loi de finances pour 2023, de façon à pouvoir leur verser des acomptes en anticipation du calcul de leurs charges de service public.

Le montant total des charges évaluées par la CRE sur la période visée s'élève à 1 805,6 M€, dont 281,1 M€ seront versés avant le 28 février 2023.

Par une délibération du 16 février 2023, la CRE évalue les pertes de recettes prévisionnelles des fournisseurs d'électricité pour l'année 2023 au titre des boucliers tarifaires et des dispositifs d'amortisseur, en application de l'article 181 de la loi de finances pour 2023, de façon à pouvoir leur verser des acomptes en anticipation du calcul de leurs charges de service public.

Le montant prévisionnel des charges évaluées par la CRE sur la période visée s'élève à 23 937 millions d'euros au titre des boucliers tarifaires et 3 667 millions d'euros au titre des dispositifs d'amortisseurs dont 12 millions d'euros de frais de gestion.

Le montant total d'acompte calculé en application de l'article 181 de la loi de finances pour 2023 s'élève à 6 094 millions d'euros. 483 millions d'euros d'acompte complémentaire seront versés en application du décret n°2023-61 du 3 février 2023.

Délibération portant décision relative à la fixation du montant total du versement anticipé exceptionnel d'une partie du solde du compte de régularisation des charges et produits (CRCP) de RTE

Par une délibération du 8 décembre 2022 (cf. L'Energie du droit n°58, décembre 2022), la CRE a fixé les modalités de mise en œuvre d'un versement anticipé exceptionnel d'une partie du solde du CRCP du gestionnaire du réseau de transport d'électricité, la société RTE, au titre de l'année 2022.

Par une délibération du 31 janvier 2023, publiée le 6 février 2023, la CRE fixe le montant total de ce versement anticipé exceptionnel à 1 939 M€, soit une réduction à titre indicatif des composantes tarifaires du tarif TURPE 6 HTB de RTE appliquées pour l'année 2022, hors composantes d'injection, de 48,2 %. Le montant total du versement est réparti comme suit : 159 M€ sont à destination des grands consommateurs (clients industriels, entreprises ferroviaires, etc.), 1 763 M€ sont à destination des gestionnaires de réseaux de distribution, 18 M€ sont à destination des producteurs d'électricité.

Délibération portant décision sur l'évolution des tarifs d'utilisation des terminaux méthaniers régulés de gaz naturel liquéfié au 1er avril 2023

Par une délibération du 31 janvier 2023, la CRE définit les évolutions à compter du 1er avril 2023, pour une durée d'environ deux ans, des grilles tarifaires s'appliquant aux terminaux méthaniers régulés de Montoir de Bretagne, Fos Tonkin et Fos Cavaou.

Les évolutions tarifaires moyennes au 1er avril 2023 sont les suivantes :

  • pour le terminal de Montoir, une augmentation de 7,2 % du tarif unitaire moyen par rapport à la première période du tarif. Le terme tarifaire variable dit « de quantité déchargée » s'établit à 0,551 €/MWh déchargé ;
  • pour le terminal de Fos Tonkin, une augmentation de 7,2 % du tarif unitaire moyen par rapport à la première période du tarif. Le terme tarifaire variable dit « de quantité déchargée » s'établit à 0,818 €/MWh déchargé ;
  • pour le terminal de Fos Cavaou, une augmentation de 1,2 % du tarif unitaire moyen par rapport à la première période du tarif. Notamment, le terme tarifaire variable dit « de quantité déchargée » s'établit à 1,306 €/MWh.

Par ailleurs, la CRE :

  • modifie le terme de prélèvement en nature s'appliquant aux trois terminaux ;
  • modifie la régulation incitative applicable aux charges d'énergie des terminaux ;
  • prévoit la prise en compte de l'augmentation des charges nettes d'exploitation, hors énergie, induite par le taux d'utilisation très élevé des terminaux méthaniers en 2023 et 2024.

Approbation des programmes d'investissements des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité et de gaz naturel et des opérateurs de stockage de gaz pour 2022

Par quatre délibérations du 26 janvier 2023, publiées les 15 et 20 février 2023, la CRE approuve :

- le programme d'investissements pour l'année 2023 de RTE, gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, pour un montant de 1 880,8 M€ ;

- les programmes d'investissements des opérateurs de stockage de gaz pour l'année 2023, pour un montant de 31,1 M€ pour Géométhane, de 194,6 M€ pour Storengy et de 46,3 M€ pour Teréga ;

LE JUGE

Conseil d'Etat

Confirmation de la légalité du dispositif d'attribution exceptionnelle d'un volume additionnel d'ARENH de 20 TWh en 2022

Dans un contexte de forte augmentation des prix de gros de l'électricité, le Gouvernement a décidé, au cours du mois de mars 2022, d'augmenter de 20 TWh le volume d'électricité livré par la société EDF aux fournisseurs alternatifs dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH).

Saisi, d'abord en référé (cf. L'Energie du droit n°52, mai 2022) puis au fond, de plusieurs recours dirigés contre les textes réglementaires organisant cette attribution d'un volume additionnel d'ARENH, le Conseil d'Etat confirme la légalité du dispositif.

Le juge relève notamment que cette attribution exceptionnelle de volumes d'ARENH s'inscrit dans un contexte de tensions inédites sur le marché de l'électricité et répond au double objectif d'intérêt général assigné à l'ARENH, consistant, d'une part, à garantir la liberté de choix du fournisseur d'électricité en développant et en maintenant une concurrence équilibrée sur le marché de la fourniture d'électricité et, d'autre part, à assurer la stabilité des prix à un niveau raisonnable pour le consommateur final en faisant bénéficier l'ensemble des fournisseurs et leurs clients de la compétitivité du parc électronucléaire français. L'atteinte portée à la liberté d'entreprendre d'EDF n'est, ainsi, pas disproportionnée.

Le Conseil d'Etat rappelle en outre que l'ARENH a été conçu comme un moyen de contribuer au développement de la concurrence sur le marché français et européen de l'électricité et qu'il doit être regardé comme un mécanisme opérant un rééquilibrage des charges entre opérateurs sur le marché de l'électricité français aux fins de favoriser la concurrence. Par suite, l'ARENH ne constitue pas une « aide » au sens de l'article 107-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Dans ce contexte, l'attribution exceptionnelle de 20 TWh d'ARENH supplémentaire en 2022 ne constitue pas non plus une aide d'Etat dès lors, notamment, que l'avantage consenti aux clients des fournisseurs bénéficiaires de l'ARENH ne revêt pas un caractère sélectif au sens de la réglementation sur les aides d'Etat.

Recevabilité d'un recours contre une prise de position dans une « foire aux questions » mise en ligne sur le site internet d'un ministère

Dans le cadre de la mise en place du fonds de solidarité en faveur des entreprises instauré pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19, une « foire aux questions » a été publiée sur le site du ministère de l'économie, des finances et de la relance. Le point 12 de cette « foire aux questions » apportait à la question : « Les loueurs en meublés non professionnels sont-ils éligibles au fonds de solidarité ? » la réponse suivante : « Non, les loueurs en meublés non professionnels ne sont pas éligibles au fonds ».

Saisi d'un recours en annulation contre cette « foire aux questions », dans sa version mise à jour le 23 mars 2021, en tant qu'elle exclut, par principe, les loueurs en meublés non professionnels du bénéfice du fonds de solidarité, le Conseil d'Etat considère qu'« eu égard à sa teneur, cette interprétation du droit positif, émise par les services chargés d'instruire les demandes d'aides au titre du fonds de solidarité puis de procéder, le cas échéant, au versement de ces aides, est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui souhaitent bénéficier des mesures de soutien mises en place. » À cet égard, la circonstance que la « foire aux questions » ne s'adresserait ni aux services en charge de l'instruction des demandes d'aides ni à ceux chargés du contrôle des aides versées est sans incidence.

Le recours contre la prise de position contenue dans la foire aux questions est donc recevable.

Sur le fond, le Conseil d'Etat invalide l'exclusion des loueurs en meublé non professionnels du champ des personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité.

Tribunal de l'Union européenne (TUE)

Projet « Aquind » d'interconnexion électrique entre le Royaume-Uni et la France : confirmations du rejet de la demande d'exemption ainsi que de l'absence d'inscription dans la liste des « projets d'intérêt commun » de l'Union

La société Aquind, promotrice d'un projet d'interconnexion électrique reliant les réseaux de transport d'électricité de France et du Royaume-Uni, a présenté en 2017 une demande visant à obtenir une dérogation sur les conditions d'accès au réseau pour son interconnexion.

La CRE, ne s'estimant pas en mesure de se prononcer sur les nouveaux projets d'interconnexion avec la Grande-Bretagne dans le contexte du Brexit, a considéré, après discussions avec le régulateur britannique (Ofgem), qu'il revenait à l'ACER de prendre une décision en la matière

En 2018, l'ACER, puis la Commission de Recours de l'ACER (Board of appeal - BoA) ont rejeté cette demande. Par un arrêt du 18 novembre 2020, le TUE a annulé la décision du BoA et lui a renvoyé l'affaire.

Par une décision du 4 juin 2021, le BoA a une nouvelle fois rejeté la demande d'exemption au motif qu'il n'était plus compétent pour prendre une décision sur cette demande à la suite du Brexit et que le recours d'Aquind était dès lors irrecevable (cf. L'Energie du droit n°42, juin 2021).

Saisi d'un recours contre cette décision du BoA, le TUE juge notamment, dans son arrêt T-492/21 du 15 février 2023, qu'« à la suite du Brexit, le projet d'interconnexion Aquind concerne désormais une interconnexion entre un État membre et un État tiers », ce qui « a pour conséquence que ni l'ACER ni la commission de recours n'étaient en mesure de fonder un acte contenant les mesures que comportait l'exécution de l'arrêt du 18 novembre 2020 (…) sur la base juridique qui, initialement, les habilitait à adopter cet acte ».

Le TUE confirme ainsi la décision de rejet du BoA.

Dans une seconde affaire, la société Aquind contestait l'absence d'inscription de son projet d'interconnexion dans la liste des « projets d'intérêt commun » (PIC) de l'Union arrêtée par la Commission européenne dans son règlement délégué du 31 octobre 2019.

Par son arrêt T-295/20 du 8 février 2023, le TUE rejette le recours de la société Aquind en soulignant notamment que l'Etat membre concerné jouit d'une large marge d'appréciation pour donner ou refuser de donner son approbation à l'inscription d'un projet sur la liste des PIC de l'Union. Dans ces conditions, la Commission européenne ne pouvait que prendre acte du refus de la France d'inscrire ce projet sur la liste des PIC.

Précisions sur les compétences de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et du Board of appeal (BoA) de l'ACER

Par deux arrêts du 15 février 2023, le TUE statue sur des recours dirigés contre des décisions du 16 juillet 2020 par lesquelles le BoA a confirmé des décisions de l'ACER en date du 24 janvier 2020 sur le cadre de mise en œuvre de la plateforme européenne pour l'échange d'énergie d'équilibrage à partir des réserves de restauration de la fréquence avec activation automatique (« plateforme aFRR ») (affaire T-606/20), et avec activation manuelle (« plateforme mFRR ») (affaire T-607/20).

Après l'entrée en vigueur du règlement (UE) 2017/2195 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique, tous les gestionnaires de réseau de transport d'électricité (GRT) ont élaboré des propositions concernant les méthodologies aFRR et mFRR, qui ont été transmises pour approbation aux autorités de régulation nationales. L'ACER ayant considéré que ces propositions n'étaient pas conformes, sur certains points, au règlement 2017/2195, les GRT ont adressé plusieurs versions modifiées de ces propositions de méthodologies à l'ACER, qui a finalement adopté des méthodologies amendées le 24 janvier 2020.

Plusieurs sociétés ont saisi le TUE d'un recours contre les décisions du 16 juillet 2020 par lesquelles le BoA a confirmé ces décisions de l'ACER.

Après avoir rappelé que les requérantes peuvent uniquement contester les décisions adoptées par le BoA, et non celles de l'ACER, et que les règles applicables sont celles en vigueur au moment de l'adoption de la décision du BoA, le TUE rejette les recours dont il a été saisi.

Il précise notamment que la compétence de l'ACER ne se limite pas aux seuls aspects particuliers sur lesquels le désaccord entre les ARN se serait cristallisé, en soulignant l'existence d'« une volonté claire du législateur de l'Union de rendre la prise de décisions sur des questions transfrontalières, difficiles mais indispensables, plus efficace et plus rapide, et ce par un renforcement des pouvoirs de décision individuelle de l'ACER qui soit conciliable avec le maintien du rôle central des ARN en matière de régulation énergétique ». Le TUE ajoute par ailleurs que « l'ACER, a été institué pour combler le vide réglementaire au niveau de l'Union et pour contribuer au fonctionnement efficace des marchés intérieurs de l'électricité et du gaz naturel ».

À cet égard, les dispositions du règlement 2019/942 et de l'article 5§7 du règlement 2017/2195 doivent être comprises en ce sens qu'elles autorisent l'ACER à modifier les propositions des GRT afin d'assurer leur conformité au droit de l'Union relatif à l'énergie, avant leur approbation.

Le TUE avait déjà eu l'occasion de préciser, dans un précédent arrêt T-631/19 du 7 septembre 2022 (cf. L'Energie du droit n°55, septembre 2022), que « faute pour les ARN compétentes de parvenir à un accord sur tous les aspects du problème de réglementation qui leur est soumis dans le délai qui leur est imparti pour ce faire, l'ACER est habilitée à statuer ou à décider elle-même sur ce problème, sans que sa compétence se limite aux seules questions ou aux seuls aspects particuliers sur lesquels le désaccord entre lesdites ARN se serait cristallisé ».

L'EUROPE

Commission Européenne

Modification de la composition du groupe de coordination pour l'électricité

Une décision de la Commission européenne du 17 février 2023 modifie la décision du 15 novembre 2012 (2012/C 353/02) relative à la composition du groupe de coordination pour l'électricité. Ce groupe intègre désormais la nouvelle entité regroupant les gestionnaires de réseaux de distribution de l'Union européenne (EU DSO) instituée par la Directive « Electricité » (UE) 2019/944 du 5 juin 2019. Ce groupe est également composé de l'entité des gestionnaires de réseaux de transport (ENTSO-E), de l'ACER, des régulateurs nationaux et des ministères nationaux de l'énergie. Celui-ci vise à institutionnaliser la relation entre les Etats membres et la Commission européenne sur les sujets relatifs aux échanges transfrontaliers d'électricité et à la sécurité d'approvisionnement.

Aides d'Etat : résumés des décisions du mois de février 2023 relatives au développement des énergies renouvelables

La Commission européenne a rendu plusieurs décisions approuvant des régimes d'aides d'Etat au mois de février 2023 permettant le développement des énergies renouvelables en Europe, dans le cadre des objectifs stratégiques de l'Union européenne issus du Pacte Vert pour l'Europe :

  • autorisation d'un régime français de soutien à la production d'énergie éolienne en mer (10 février 2023, SA.100269) : cette décision autorise un régime français d'un montant de 2,08 milliards d'euros visant à soutenir la construction d'un parc éolien flottant en mer au large des côtes de la Bretagne d'ici 2028. Il s'agit du premier projet commercial de ce type en France, d'une capacité de 230 à 270 mégawatts (MW) avec un objectif de production d'un térawattheure (TWh) d'électricité par an pendant 35 ans. Le bénéficiaire de cette mesure sera sélectionné dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres, au cours du second semestre 2023. L'aide prend la forme d'une prime mensuelle variable selon le modèle d'un contrat d'écart compensatoire bidirectionnel ;
  • autorisation d'un régime danois de soutien à la production d'hydrogène renouvelable (14 février 2023, SA.103648) : cette décision autorise un régime danois d'un montant de 170 millions d'euros visant à soutenir la production d'hydrogène renouvelable au moyen de technologies permettant la conversion de l'électricité en un autre vecteur énergétique, notamment par électrolyse. Ce régime vise à soutenir la création d'une capacité d'électrolyse de 100 à 200 MW. L'aide sera accordée par l'intermédiaire d'une procédure de mise en concurrence s'achevant en 2023 et prend la forme d'une subvention directe pour une durée de 10 ans ;
  • autorisation d'un régime roumain de soutien aux investissements dans les batteries, cellules et panneaux photovoltaïques (14 février 2023, SA.102924) : cette décision autorise un régime roumain d'un montant de 259 millions d'euros, mis à disposition en partie par l'intermédiaire de la facilité pour la reprise et la résilience, visant à soutenir les investissements dans la production, l'assemblage et le recyclage de batteries, cellules et panneaux photovoltaïques. Ce régime s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2024 et prend la forme de subventions directes aux entreprises.

Ces décisions de la Commission européenne n'ont pas encore été rendues publiques et seront consultables ultérieurement dans le registre des aides d'Etat.

Aides d'Etat : autorisation d'un régime de garanties français de soutien aux entreprises consommatrices d'énergie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie

Par une décision du 28 février 2023, la Commission européenne a autorisé un régime de garanties français d'un montant de 2 milliards d'euros visant à soutenir les entreprises consommatrices d'énergie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ces entreprises sont confrontées à l'augmentation du niveau des exigences en matière de sûretés compte tenu de l'accroissement des coûts de l'électricité et du gaz naturel. L'aide prend la forme de contre-garanties publiques et vise à couvrir les garanties non financées émises par des intermédiaires financiers pour le compte d'entreprises pour répondre aux exigences en matière de sûretés découlant de leurs contrats de fourniture d'énergie.

Cette décision de la Commission européenne n'a pas encore été rendue publique et sera consultable ultérieurement dans le registre des aides d'Etat sous le numéro SA.106197.

Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER)

Rapport de l'ACER sur la fixation des tarifs de réseaux d'électricité en Europe

L'ACER a publié le 2 février 2023 la 3e édition de son rapport sur la fixation des tarifs de réseaux d'électricité en Europe. Publié tous les deux ans, ce rapport examine les méthodologies tarifaires des Etats membres et de la Norvège et émet des recommandations aux régulateurs nationaux, notamment :

  • faire une évaluation des avantages et inconvénients de l'application de modèles de coûts incrémentiels ou prospectifs ;
  • collecter les coûts de réseaux par différents niveaux de tension ;
  • fixer une base tarifaire appropriée pour les charges d'injection ;
  • envisager les partages de coûts entre les utilisateurs actuels et futurs du réseau.

Lettre d'information trimestrielle n°31 de l'ACER relative à REMIT

L'ACER a publié le 2 février 2023 la 31e édition de sa lettre d'information trimestrielle relative à REMIT couvrant le dernier trimestre 2022. Cette édition comporte notamment :

  • une évaluation du fonctionnement et de la transparence des différentes catégories de places de marché organisées et des modes de négociation ;
  • des statistiques sur les notifications effectuées par les mécanismes enregistrés de déclaration (MRR) concernant la transmission des données ;
  • un aperçu actualisé des décisions de sanction pour l'année 2022, avec 350 dossiers REMIT en cours d'examen à la fin du quatrième trimestre ;
  • un résumé des mises à jour récentes de la documentation REMIT.
  • Consulter la lettre d'information trimestrielle n°31 relative à REMIT de l'ACER du 2 février 2023 (en anglais)

Note sur les développements du marché à terme de l'électricité en Europe

Dans une note publiée le 6 février 2023, l'ACER identifie les différents axes d'amélioration du marché à terme de l'électricité en Europe. Par cette étude, l'ACER formule ses recommandations à la Commission européenne dans le cadre des travaux de refonte du Règlement (UE) 2016/1719 du 26 septembre 2016 établissant une ligne directrice relative à l'allocation de capacité à terme.

Selon l'ACER, la fragmentation du marché et le manque d'intégration sont les principales problématiques mises en exergue. Afin de pallier ces problématiques, l'ACER propose la création de hubs virtuels régionaux afin de regrouper plusieurs marchés nationaux ou « bidding zones » sans rompre la logique nationale. Une telle solution doit permettre un meilleur développement de la liquidité.

Consultation sur les recommandations de l'ACER relatives à la répartition transfrontalière des coûts (CBCA)

L'ACER lance une consultation publique du 23 février 2023 au 31 mars 2023 au sujet de la mise à jour de ses recommandations du 18 décembre 2015 relatives à la répartition transfrontalière des coûts des projets d'intérêt commun (PIC). Cette révision vise notamment à actualiser les recommandations à la suite de la publication du nouveau Règlement (UE) 2022/869 du 30 mai 2022 concernant des orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes (RTE-E).

L'ACER invite les parties prenantes à soumettre leur avis au sujet, notamment, du champ d'application de la recommandation CBCA, de l'analyse coûts-bénéfices et de la répartition des coûts pour les projets d'éolien en mer. Ce dernier point est une nouveauté introduite par l'article 15 du Règlement RTE-E.

Rejet de l'évaluation 2022 de l'adéquation des ressources électriques de l'ENTSO-E

Par une décision du 27 février 2023, l'ACER décide de ne pas approuver l'évaluation 2022 de l'adéquation des ressources électriques du Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité (ENTSO-E). Ce rapport, requis par le Règlement « Electricité » (UE) 2019/943 du 5 juin 2019, vise à fournir une base objective d'identification des problématiques de sécurité d'approvisionnement en électricité et doit être approuvé par l'ACER.

Bien que reconnaissant les efforts substantiels de l'ENTSO-E pour améliorer l'évaluation 2022 dans le contexte de la crise énergétique, l'ACER estime que l'ENTSO-E a trop simplifié le cadre méthodologique de cet exercice, conduisant à une identification incorrecte des problématiques et risquant d'aboutir à de mauvaises décisions politiques et à des coûts plus importants pour les consommateurs. Par ailleurs, l'ACER estime que cette évaluation n'est pas assez alignée sur les objectifs du Paquet « Fit for 55 » de l'Union européenne ce qui la rend moins objective.

L'ACER n'a toutefois pas modifié l'évaluation 2022 mais a proposé plusieurs recommandations pour l'évaluation 2023, estimant que les scénarios proposés dans l'évaluation 2022 seront rapidement dépassés dans un contexte de fortes évolutions. Les recommandations de l'ACER concernent notamment la méthodologie de l'évaluation et l'utilisation de données fiables et transparentes.

Consultation publique sur la mise à jour de la méthodologie de calcul des échanges programmés résultant du couplage de marché unique journalier

L'ACER consulte les acteurs de marché du 1er mars au 29 mars 2023 pour recueillir leur avis sur la proposition conjointe des gestionnaires de réseaux de transport (GRT) des Etats membres européens transmise à l'ACER le 25 janvier 2023 concernant la mise à jour de la méthodologie de calcul des échanges programmés résultant du couplage de marché unique journalier, tel qu'établi par la Règlement (UE) 2015/1222 du 24 juillet 2015 établissant des lignes directrices sur l'allocation des capacités et la gestion de la capacité (CACM).

L'ACER dispose de six mois, soit jusqu'au 25 juillet 2023, pour évaluer la proposition des GRT.

LA REGULATION

Mediateur national de l'énergie (MNE)

Rappel de l'obligation des fournisseurs d'apporter une information claire et loyale aux consommateurs à la signature d'un contrat

Le MNE a publié une recommandation le 10 février 2023 à la suite d'un litige opposant un consommateur professionnel à son fournisseur d'électricité. Le MNE rappelle à cette occasion l'obligation des fournisseurs d'apporter une information claire et loyale à leurs clients au moment de la signature d'un contrat concernant notamment le prix des offres et ses modalités d'évolution.

En l'espèce, les conditions générales du contrat conclu entre les deux parties mentionnaient que les prix étaient indexés sur le prix de l'ARENH alors que les conditions particulières faisaient référence à un prix du kWh fixe pendant une durée déterminée. Or la répercussion de l'écrêtement de la demande d'ARENH du fournisseur a fait évoluer le prix payé par le consommateur de manière significative. Le médiateur a dès lors conclu que l'information était insuffisante et pouvait induire le consommateur en erreur.

Autorité de la concurrence (ADLC)

Autosaisine pour avis afin d'analyser le fonctionnement concurrentiel du secteur des infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE)

Dans un communiqué du 17 février 2023, l'ADLC a annoncé s'autosaisir d'un avis concernant le marché des IRVE.

Après avoir rappelé que le marché est aujourd'hui en cours de structuration et le cadre normatif en cours de modification, l'ADLC annonce que son avis aura pour objet de procéder à une analyse globale de la concurrence. Elle ajoute qu'une analyse spécifique sera menée sur des segments de marché spécifiques tels que les IRVE publiques et les IRVE privées notamment dans les habitations collectives.

L'ADLC doit contacter les acteurs du secteur et rendra son avis au cours du premier semestre 2024.

Office of gas and electricity markets (OFGEM)

Lancement d'une enquête à l'encontre de la société British Gas pour l'installation forcée de compteurs avec prépaiement chez des consommateurs vulnérables

Le 2 février 2023, l'Ofgem a annoncé ouvrir une enquête à l'encontre de la société British Gas, fournisseur de gaz et d'électricité au Royaume-Uni après la publication par le journal « The Times » d'un article d'investigation décrivant comment le fournisseur aurait imposé l'installation forcée de compteurs avec prépaiement chez des consommateurs britanniques vulnérables tels que des personnes âgées ou des foyers avec enfants.

L'enquête s'étend à l'ensemble du marché et s'intéresse à l'ampleur des installations de compteurs prépayés ainsi qu'aux potentielles violations des licences accordées aux fournisseurs.

ET AUSSI

Réponses de l'ACER, du CEER et de la CRE à la consultation publique organisée par la Commission européenne sur la réforme du fonctionnement du marché européen de l'électricité

La Commission européenne a organisé une consultation publique sur la réforme du marché de l'électricité européen du 23 janvier 2023 au 13 février 2023 (cf. L'Energie du droit n°59, janvier 2023).

Dans leur réponse conjointe publiée le 14 février 2023, l'ACER et le Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) saluent l'attention portée par la Commission européenne aux marchés à terme en tant que catalyseurs de la stabilité des investissements et de l'accessibilité financière pour les consommateurs. Toutefois, les deux institutions se montrent prudentes à l'égard du soutien aux contrats de long terme de type « Power Purchase Agreement » (PPA) ou contrats pour différence (CFD) dont les effets négatifs doivent faire l'objet d'une évaluation approfondie. Par ailleurs, l'ACER et le CEER se déclarent réticents aux obligations pour les fournisseurs de se couvrir au-delà des volumes et des échéances des contrats à prix fixe qu'ils ont conclus avec les consommateurs. Enfin, les deux institutions estiment que la réforme de marché ne peut être une réponse directe à la crise, le cadre communautaire ne permettant pas une adaptation rapide des règles de fonctionnement du marché.

La CRE a également répondu à la consultation de la Commission européenne. Dans sa contribution, elle indique que trois objectifs majeurs doivent être poursuivis :

  • la sécurité de l'approvisionnement ;
  • la protection des consommateurs face aux hausses de prix qui ne reflèteraient pas les coûts complets du système électrique ;
  • l'accélération de la transition énergétique en combinant des investissements dans la production décarbonée, les réseaux et les sources de flexibilités, et en favorisant l'innovation pour préparer le système énergétique du futur.

Pour ce faire, la CRE avance trois propositions :

  • utiliser de manière optimale les moyens de production et de flexibilité à l'échelle européenne afin de préserver les points forts du marché intérieur tout en le renforçant, le développant, notamment sur ses échéances de plus long terme ;
  • sécuriser les investissements en s'appuyant sur une pluralité d'outils, tout en laissant suffisamment de latitude aux États membres pour concevoir des modes de financement adaptés à des investissements vers un mix bas-carbone compétitif et sur la façon dont le coût complet en sera transmis aux consommateurs ;
  • mettre en place pour les fournisseurs une obligation de couverture minimale contre les prix élevés afin de protéger les consommateurs dont la facture serait ainsi partiellement décorrélée des évolutions des prix des combustibles carbonés.

Par ailleurs, les missions de surveillance des marchés de gros des régulateurs de l'énergie européens gagneraient à être renforcées selon la CRE. Elle rappelle enfin que la réforme devra reposer idéalement sur des principes économiques solides, tout en laissant une large part au principe de subsidiarité.

Le Comité de rédaction

Alexandra BONHOMME

Emmanuel RODRIGUEZ

Andy CONTESSO

Pauline LEGO

Clémence LOPEZ

David MASLARSKI

Marjolaine ZHANG

Timothée BLASCO

Léa ZIDOUR