UNHCR - Office of the United Nations High Commissioner for Refugees

07/04/2024 | Press release | Distributed by Public on 07/04/2024 06:05

Confrontés au deuil et à la faim, les réfugiés soudanais au Tchad espèrent que le monde ne les oubliera pas

Hadji Al Nour Sar a un souhait simple : pouvoir changer de vêtements. Cette mère de six enfants, âgée de 30 ans, porte la même robe en lambeaux depuis plus d'un an, depuis qu'elle et ses enfants ont fui les nouveaux combats dans la région du Darfour, à l'ouest du Soudan.

Hadji Al Nour Sar a un souhait simple : pouvoir changer de vêtements. Cette mère de six enfants, âgée de 30 ans, porte la même robe en lambeaux depuis plus d'un an, depuis qu'elle et ses enfants ont fui les nouveaux combats dans la région du Darfour, à l'ouest du Soudan.

Alors qu'elle nourrit sa dernière-née, âgée de six mois, à l'ombre bienfaisante d'un grand arbre dans le camp de réfugiés d'Aboutengue, dans l'est du Tchad, Hadji rêve de retourner chez elle, à El Geneina, une ville située à quelques dizaines de kilomètres de là, de l'autre côté de la frontière. « Notre maison, nos repas, mes vêtements me manquent », confie Hadji en berçant sa fille en bas âge.

Depuis avril 2023, les forces paramilitaires de soutien rapide affrontent les forces armées soudanaises dans une guerre civile très violente qui a entraîné le déracinement de plus de 9 millions de personnes. Près de 2 millions d'entre elles ont fui vers les pays voisins, notamment le Tchad, qui a accueilli plus de 600 000 nouveaux réfugiés soudanais. Ils ont rejoint plus d'un demi-million d'autres personnes qui ont fui vers le Tchad lors du précédent conflit au Darfour en 2003 et 2004.

Exécutions et passages à tabac

La seule chose qui reste à Fatima Adam Muhammad de son fils adolescent, Mizamir, abattu sous ses yeux à El Geneina en juin de l'année dernière, est une tache de sang sur un châle déchiré par les balles.

Fatima Adam Muhammad a fui El Geneina en juin 2023 après l'assassinat de son fils adolescent. Elle et ses quatre fils survivants ont trouvé refuge dans le camp de réfugiés d'Aboutengue, dans l'est du Tchad.

HCR/Levon Sevunts

Cette femme de 37 ans se souvient avec une peine contenue de leur tragique confrontation ce jour-là avec des hommes armés des Forces de soutien rapide, une organisation paramilitaire. « Je voulais pleurer, mais ils m'ont tellement battue et brutalisée que je me suis évanouie », raconte Fatima. « Mes reins me font toujours mal et je ne peux plus soulever de charges lourdes. »

Malgré sa douleur, Fatima ne peut pas se permettre de s'attarder sur le passé. Avec quatre autres fils à nourrir, elle se concentre sur le prochain repas. « Je suis très triste quand je pense à ce qui s'est passé, mais ensuite je pense à la nourriture », dit-elle.

Suraya Abdulaziz Suleiman, 22 ans, a encore un éclat de shrapnel logé dans le cou, provenant d'un obus de mortier qui a tué 10 membres de sa famille à El Geneina.

« Ma mère m'a trouvée et m'a emmenée à l'hôpital. Tout ce dont je me souviens, c'est de la douleur fulgurante dans mon cou et ma joue », explique Suraya, en montrant une radiographie où l'on peut voir un éclat d'obus logé à côté d'une de ses vertèbres.

Suraya Abdulaziz Suleiman montre une radiographie sur laquelle on peut voir l'endroit où un éclat d'obus l'a touchée au cou lors d'un bombardement qui a tué 10 membres de sa famille à El Geneina.

© HCR/Levon Sevunts

Pour retirer l'éclat d'obus, il faudrait un équipement d'imagerie médicale de pointe et une intervention chirurgicale compliquée qui n'est pas possible dans la clinique de terrain voisine gérée par Médecins sans frontières (MSF). Malgré l'inconfort et l'inquiétude, Suraya se préoccupe davantage de nourrir ses deux enfants que d'obtenir l'intervention chirurgicale dont elle a besoin.

« J'espère que nous aurons assez de nourriture pour les enfants, ils souffrent beaucoup », confie-t-elle.

L'arrivée de la saison des pluies

Dans un premier temps, les réfugiés soudanais arrivent dans des campements spontanés et informels le long de la frontière tchadienne, où ils peuvent être à l'abri de la menace immédiate des combats, mais où l'accès à l'aide humanitaire est extrêmement limité.

Début juin, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et les autorités tchadiennes ont réussi à transférer 60 pour cent de ces réfugiés vers des camps établis, tels qu'Aboutengue, où ils disposent d'un abri et d'un meilleur accès à l'eau potable et à d'autres services de base.

Le financement reste cependant insuffisant, le HCR n'ayant reçu que 10 % des 215 millions de dollars dont il a besoin pour répondre à la situation dans l'est du Tchad cette année.

D'autres agences des Nations Unies et organisations humanitaires présentes au Tchad sont également confrontées à de graves difficultés financières. En novembre, le Programme alimentaire mondial (PAM) a averti qu'il pourrait être contraint de cesser de fournir une assistance alimentaire à 1,4 million de personnes affectées par la crise au Tchad en raison de contraintes financières, alors même que l'insécurité alimentaire s'aggrave.

Le manque de financement affecte également la capacité du HCR à construire de nouveaux sites et à y transférer les réfugiés, alors que la situation des dizaines de milliers de personnes vivant encore dans d'innombrables sites informels près de la ville frontalière d'Adré devient de plus en plus désespérée. « Ces personnes vivent en sursis », indique Benoit Kayembe Mukendi, responsable de terrain au HCR. « Nous devons les aider à se rendre dans les camps existants avant que les pluies n'arrivent. »

Des dizaines de milliers de réfugiés soudanais vivent dans des abris de fortune dans des camps de réfugiés spontanés près de la ville frontalière d'Adré, au Tchad, avec un accès limité aux services de base.

© HCR/Ying Hu

Au plus fort de la saison des pluies, en juillet et en août, des pluies torrentielles remplissent le lit des rivières asséchées, ce qui rend les déplacements difficiles et certaines zones inaccessibles. Selon Benoit Kayembe Mukendi, l'urgence est d'autant plus grande que de nombreux sites informels se trouvent sur des terres agricoles, ce qui augmente les risques de tensions avec les communautés d'accueil.

Des menaces persistantes

Pour certains, le fait de vivre à deux pas de la frontière s'accompagne également de sérieux risques en matière de sécurité. Jumaa Yagoub Suleiman, un leader communautaire du Darfour âgé de 30 ans, a échappé aux massacres d'El Geneina l'année dernière. Mais même au Tchad, sa vie est constamment menacée par les groupes armés, et il est contraint de changer régulièrement d'endroit.

« Ils nous contactent toujours et nous envoient des messages, ils envoient des gens à Adré, à la recherche des leaders de la communauté. Ils me disent : 'Tu t'es échappé d'El Geneina, mais tu ne t'échapperas pas d'Adré' », explique Jumaa.

Si Jumaa espère pouvoir bientôt s'éloigner de la frontière, il espère également que la communauté internationale n'oubliera pas le peuple soudanais.

« Un jour, nous rentrerons chez nous, dit-il, mais pas maintenant. Il y a encore trop de souffrances dans mon pays, à cause de la guerre, à cause des meurtres. Un jour, mais pas maintenant. »