11/14/2024 | News release | Archived content
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Titre : « Quand la race fait école : place et rôle de la race dans l'activité professionnelle des enseignants des territoires hyper-paupérisés », par Laura Foy (co-lauréate du prix de thèse du Défenseur des droits)
Question : Quels sont les principaux enjeux ?
De manière générale la question raciale fait l'objet d'un tabou assez généralisé en France et plus encore dans le champ scolaire et donc je ne m'attendais pas à ce qu'un travail portant sur cette thématique puisse faire l'objet d'une reconnaissance institutionnelle.
J'ai travaillé sur la manière dont la question raciale était incorporée intégrée à l'activité professionnelle des enseignantes dans les écoles du réseau d'éducation prioritaire renforcée de Marseille.
Ce que j'ai constaté quand j'ai commencé ma thèse c'est que la thématique raciale était omniprésente dans les écoles et qu'elle s'articulait à toute une série de pans de l'activité professionnelle, par exemple pour expliquer le désordre scolaire, pour expliquer les difficultés scolaires des élèves, pour expliquer les conflictualités enfantines, pour expliquer la relation des parents avec l'école… et qu'il y avait une sorte de corrélation entre racialisation des publics et difficultés professionnelles des enseignantes et des enseignants.
Et ce que j'ai pu constater en explorant ce sujet c'est que cette saillance de la norme raciale était d'autant plus forte que la difficulté professionnelle des enseignants et des enseignantes était importante. En fait, cette thématique raciale est mobilisée pour externaliser la difficulté professionnelle.
Question : Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
J'ai choisi ce sujet parce que j'étais moi-même enseignante, professeur des écoles en zone d'éducation prioritaire renforcée et j'avais besoin de réponses. Des réponses que je ne trouvais pas. Et la seule solution qui m'est venue a été de produire moi-même les réponses.
Quelles sont vos principales conclusions ?
J'ai fait une enquête qualitative et pour partie ethnographique sur un petit territoire. Je crois que malheureusement on ne peut pas se passer de statistiques dites ethniques. Cela permettrait de mettre en évidence les blocages, de mettre en évidence que certaines personnes, les personnes qui appartiennent au groupes minoritaires sont mécaniquement exclues des grandes écoles, des facultés, des universités les plus prestigieuses etc. Et donc, dans la foulée ça permettrait potentiellement aussi de mettre en place des actions positives, ce qu'on appelle la discrimination positive. Mais ce n'est pas de la discrimination en fait, c'est renverser l'injustice. C'est des actions positives pour permettre aux personnes qui étaient écartées de ces espaces d'y avoir enfin accès.
Ce que je vois dans mes résultats, ce n'est pas tant de l'espoir immédiat mais de l'espoir « si », de l'espoir « si on met en œuvre certaines démarches, certains processus » pour ce que j'appelle déracialiser l'école. Et ça je pense que ça passe fondamentalement par de la pédagogie. Déjà de la pédagogie faite aux enseignants et enseignantes et futur enseignants et enseignantes.
Qu'espérez-vous avec ce travail ?
Ce que j'espère avec ce prix c'est que ce prix constitue en fait une reconnaissance institutionnelle, non pas de mon travail mais de la réalité de la manière dont sont produites des inégalités dans et par l'espace scolaire et cette reconnaissance pour moi est une porte ouverte vers une lutte contre les injustices et les discriminations dont sont victimes les élèves.