11/22/2024 | News release | Distributed by Public on 11/22/2024 10:51
Pour éclairer les travaux du Comité, le Défenseur des droits lui avait adressé sa contribution.
Le 7 novembre, le Comité a rendu ses observations finales dans lesquelles il formule un nombre important de recommandations qui rejoignent de nombreuses recommandations le Défenseur des droits a rappelées dans sa contribution.
Le Défenseur des droits veillera à la mise en œuvre de ces recommandations par l'Etat.
Le Comité se dit « préoccupé » par le « profilage racial » dans le cadre des contrôles d'identité. Il fait état de « nombreuses allégations selon lesquelles les forces de l'ordre font un usage disproportionné de leurs pouvoirs d'interpellation et de fouille à l'égard de personnes appartenant à des groupes raciaux ou ethniques minoritaires ». Le Défenseur des droits a produit de nombreux travaux sur les contrôles d'identité discriminatoires et a formulé plusieurs recommandations, sans obtenir de réponse du Gouvernement à ce jour. Rappelant les recommandations formulées par le Comité pour l'élimination de la Discrimination Raciale (CERD), il demande à l'Etat français de « prendre les mesures nécessaires afin de prévenir le profilage racial dans le cadre des contrôles d'identité (…) », de « recueillir systématiquement des données permettant d'évaluer les résultats des mesures prises » (…) et « faire en sorte que les allégations de profilage racial donnent lieu systématiquement à des enquêtes approfondies. »
Le Comité s'inquiète également de ce que les personnes « appartenant à des groupes raciaux ou ethniques minoritaires » feraient disproportionnellement l'objet d'amendes délictuelles forfaitaires sans contrôle judiciaire adéquat (arts. 2, 9, 17 and 26).
Le Comité se dit « préoccupé par la persistance de la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions matérielles dans de nombreux lieux de privation de liberté, en particulier dans les territoires d'Outre-Mer ». Ces inquiétudes rejoignent celles du Défenseur des droits qui a publié le 7 novembre dernier une série de constats sur le respect des droits des personnes détenues, ainsi que plusieurs recommandations, dont certaines portent sur les mesures pour sortir de la surpopulation carcérale.
Le Comité se dit préoccupé par le nombre de cas signalés d'usage excessif de la force par les forces de l'ordre et de décès résultant de l'utilisation d'armes à feu. Il appelle notamment la France à prendre des mesures pour réviser le cadre juridique, les doctrines, et les procédures opérationnelles régissant l'usage de la force par les agents de forces de l'ordre, à s'assurer que toute allégation d'usage excessif de la force fasse l'objet d'une enquête rapide, approfondie et impartiale. Ces conclusions font écho à différents dossiers de refus d'obtempérer dont le Défenseur des droits est saisi et qui sont toujours en cours d'instruction.
Le Comité rappelle l'importance de « veiller à ce que les journalistes puissent couvrir les manifestations sans restriction excessive ni risque pour leur sécurité personnelle, notamment en assurant la mise en œuvre effective des dispositions pertinentes du Schéma national du maintien de l'ordre (SNMO) tel qu'amendé en décembre 2021. »
Le Comité se dit ensuite préoccupé par « des allégations d'entrave à l'exercice du droit de réunion pacifique causé par le nombre accru de contrôles et d'arrestations arbitraires de manifestants, et d'usage excessif de la force lors des opérations de maintien de l'ordre ». Il exprime sa grave préoccupation sur l'utilisation d'armes de force intermédiaire, souvent hors du cadre réglementaire et juridique, provoquant régulièrement de graves blessures, ainsi que sur le non-respect du port du RIO par les forces de l'ordre. Il formule une série de recommandations, telles que :
« (a) Veiller à ce que les principes de nécessité et de proportionnalité soient rigoureusement respectés dans la pratique lors du maintien de l'ordre (…)
(b) Veiller à ce que l'usage d'armes soit restreint aux cas de légitime défense et qu'un tel usage fasse sans délai l'objet d'une enquête impartiale et efficace ;
(c) Compte tenu du nombre important de blessures graves subies par les manifestants, réexaminer l'opportunité d'autoriser les forces de l'ordre à utiliser des armes intermédiaires pour le maintien de l'ordre lors des manifestations, en particulier des grenades explosives et des lanceurs de balles de défense ;
(d) Faire en sorte que tous les cas d'usage excessif de la force fassent sans délai l'objet d'une enquête impartiale et efficace, que les auteurs soient poursuivis et, s'ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ; »
« (e) prendre les mesures afin de s'assurer que tout agent des forces de l'ordre puisse être facilement identifié dans le cadre de ses missions, y compris au moyen du port systématique et visible de l'identifiant RIO ».
Les demandes du Comité confortent les recommandations que le Défenseur des droits formule de longue date (voir à cet égard sa contribution, p. 11 à 17).
Sur la question du refoulement de ressortissants de pays tiers à la frontière franco-italienne, le Comité demande à la France de « veiller à ce que le principe de non-refoulement soit respecté dans la pratique et à ce que toutes les personnes demandant une protection internationale aient accès, en cas de refus, à un mécanisme de recours indépendant ayant un effet suspensif sur les procédures d'éloignement, d'expulsion et d'extradition ». Ces observations finales rejoignent les constats et recommandations du Défenseur des droits formulés dans sa décision-cadre n° 2024-061 du 25 avril 2024, sur le respect des droits des personnes contrôlées et interpellées à la frontière intérieure franco-italienne, par les forces de sécurité françaises, dans deux départements, les Alpes-Maritimes et les Hautes-Alpes. De manière préoccupante, cette décision conclut à l'existence de procédures et pratiques qui ne sont pas conformes à la directive européenne dite retour, au droit européen et au droit national. Elle conclut également à des atteintes substantielles et multiples aux droits des personnes interpellées, à partir du moment où elles sont contrôlées, jusqu'à leur éloignement du territoire.
Le Comité appelle l'Etat français à « intensifier ses efforts pour rapatrier ses ressortissants détenus dans les zones de conflit, notamment en République arabe syrienne, et garantir un traitement systématique et individualisé en conformité avec ses obligations internationales à toute demande de rapatriement formulée par des ressortissants nationaux ».
Saisi de la situation préoccupante des enfants français retenus dans des camps dans le nord-est syrien, le Défenseur des droits est intervenu auprès des autorités françaises, du comité des droits de l'enfant de l'ONU (décision n° 2021-201) et de la Cour européenne des droits de l'homme. Celle-ci a rendu un arrêt le 14 septembre 2022, H.F. et autres c. France, dans lequel elle concluait à la violation par la France de l'article 3 § 2 du Protocole n°4 à la Convention, selon lequel « nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire dont il est le ressortissant ».
Le Comité se préoccupe également, tout comme a pu l'exprimer la Défenseure des droits dans son rapport annuel, des effets de la loi la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République sur la liberté d'association. Le Comité demande à la France de faire en sorte que cette loi « ne puisse pas être détournée de l'objectif annoncé pour porter atteinte à la liberté d'association d'associations ayant un but politique, dont les mouvements écologistes, et que le «contrat d'engagement républicain » ne puisse pas être appliqué de façon arbitraire pour retirer des subventions publiques aux associations considérées non-conformes avec «l'engagement républicain », y compris en garantissant l'accès à des voies de recours efficaces pour les organisations auxquelles de telles mesures pourront être imposées. »
En matière d'activité de surveillance, le Comité demande à ce que l'Etat :
Sur cette dernière question, la Défenseure des droits porte la plus grande attention à la mise en œuvre de la loi n°2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En effet, cette derrière a autorisé, à titre expérimental et jusqu'à fin mars 2025, l'expérimentation d'un dispositif - appelé « vidéoprotection augmentée ». Avant la fin de l'année 2024, un rapport d'évaluation de l'expérimentation, sera remis par le Gouvernement au Parlement et à la CNIL et mis en ligne sur internet le même jour.
Conformément à l'article 75 (par. 1) du Règlement intérieur du Comité, la France a été invitée à faire parvenir, le 8 novembre 2027 au plus tard, des renseignements sur la suite qu'il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 19 (Usage excessif de la force par les forces de l'ordre), 39 (Liberté d'expression) et 47 (Droit de réunion pacifique).