UNOG - United Nations Office at Geneva

12/17/2024 | News release | Distributed by Public on 12/17/2024 11:12

Une véritable chance pour la paix et la stabilité en Syrie, déclare l'envoyé de l'ONU au Conseil de sécurité

L'Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir O. Pedersen, a décrit les récents développements dans ce pays comme des « événements de proportions historiques », lors d'un exposé par visioconférence, mardi depuis Damas, devant le Conseil de sécurité de l'ONU.

Il a déclaré que le pays est désormais confronté à une « toute nouvelle réalité » après la chute rapide du régime Assad, qui a dirigé la Syrie pendant plus de 50 ans.

« Cela fait seulement onze jours que l'ancien régime est tombé, mais j'ai déjà rencontré un large éventail d'acteurs, et ma sensibilisation auprès des Syriens se poursuivra - j'entends des espoirs et des craintes », a dit M. Pedersen. « Il existe un sentiment profond et partagé parmi les Syriens que cette nouvelle situation leur appartient, que c'est leur moment de réaliser leurs aspirations légitimes ».

M. Pedersen a exprimé un sentiment d'espoir, notant que le pays a une véritable opportunité d'avancer vers la paix, la stabilité économique, la croissance, l'inclusion pour tous, la responsabilité et la justice.

Il a ajouté, cependant, que de nombreuses personnes restent inquiètes quant à l'avenir, soulignant les énormes défis à venir. « Je crains que si la situation n'est pas gérée correctement, tant par les Syriens que par la communauté internationale, une aggravation de la situation reste possible ».

Gaith Sabbagh
Des milliers de personnes rassemblées vendredi à Damas pour célébrer la chute du régime Assad.

L'inclusion est essentielle

L'envoyé de l'ONU a souligné que des progrès concrets dans une transition politique inclusive seront essentiels pour garantir que la Syrie reçoive le soutien économique dont elle a besoin. Il a déclaré que les parties prenantes internationales étaient clairement disposées à s'engager.

« Les besoins sont immenses et ne pourront être satisfaits qu'avec un large soutien, notamment une fin en douceur des sanctions, des mesures appropriées concernant les désignations également et une reconstruction complète », a-t-il affirmé.

« Il est clair que la période à venir sera critique, et des signaux internationaux indiquent que des mesures plus larges peuvent gagner du terrain avec des progrès dans une transition politique crédible et inclusive », a-t-il ajouté.

Respecter et protéger les droits des femmes

M. Pedersen a également souligné l'engagement de son bureau auprès des femmes à travers la Syrie et celles en exil.

« Les femmes syriennes souhaitent avoir l'assurance que leur statut et leurs droits seront respectés et renforcés dans tout accord de transition, les besoins des femmes et des filles étant pleinement pris en compte », a-t-il déclaré. « Les femmes syriennes doivent faire partie de la transition elle-même, sinon elle ne peut pas être considérée comme inclusive ».

Geir Pedersen a également souligné la situation économique désastreuse du pays, où 90% de la population vit dans la pauvreté.

Il a noté que relever ces défis nécessiterait un soutien global qui aille au-delà de l'aide humanitaire, y compris le développement économique, les efforts de reconstruction et les mesures pour faire face aux sanctions.

L'escalade récente a accru les besoins humanitaires

Bien que le rythme des récents développements en Syrie ait été dramatique, l'ampleur de la crise humanitaire reste inchangée, a déclaré aux membres du Conseil Tom Fletcher, Coordinateur des secours d'urgence de l'ONU, s'exprimant également depuis Damas par liaison vidéo.

M. Fletcher a noté que la Syrie était déjà l'une des plus grandes crises humanitaires au monde, avec 17 millions de personnes - plus de 70 % de la population - ayant besoin d'aide.

Plus de sept millions de personnes restent déplacées à l'intérieur du pays, des millions d'autres vivent en tant que réfugiés et près de 13 millions sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë.

Il a déclaré au Conseil que la récente escalade de la violence avait aggravé ces besoins, avec plus d'un million de personnes déplacées en moins de deux semaines et des centaines mortes ou blessées, dont 80 enfants.

« Il est essentiel que nous adaptions la réponse humanitaire aux nouvelles conditions, même si elles évoluent encore rapidement », a-t-il dit.

Le gouvernement intérimaire s'engage à intensifier l'aide humanitaire

M. Fletcher a expliqué que sa visite en Syrie avait trois objectifs clés : s'assurer que les efforts d'aide soient bien coordonnés, créer des conditions optimales pour le travail humanitaire et s'engager avec les parties prenantes.

Pendant son séjour à Damas, il a rencontré des représentants du nouveau gouvernement intérimaire, notamment le commandant de la nouvelle administration Ahmed al-Sharaa et le Premier ministre Mohammed al-Bashir.

« J'ai été encouragé par ces discussions et je suis heureux d'annoncer qu'ils se sont engagés à ce qui sera une intensification ambitieuse de l'aide humanitaire vitale », a-t-il déclaré. « Nous avons reçu l'assurance qu'ils faciliteront le mouvement du personnel et des fournitures humanitaires en provenance des pays voisins - notamment de Türkiye, du Liban, de Jordanie et d'Iraq - aussi longtemps que les opérations humanitaires seront nécessaires. ».

M. Fletcher a déclaré qu'un autre objectif de sa visite était d'exhorter la communauté internationale à augmenter le financement des opérations d'aide.

« Il est désormais temps d'investir dans le peuple syrien, de soutenir des fonds flexibles afin que nous puissions répondre à l'évolution des besoins », a-t-il dit, notant que le Fonds central d'intervention d'urgence de l'ONU (CERF) a déjà alloué 32 millions de dollars à la Syrie cette année.

« Il est également temps pour les États membres de travailler sur l'aide au développement pour reconstruire la Syrie, réduire la dépendance à l'aide humanitaire et maintenir les services essentiels ».

M. Fletcher a également appelé tous les États à « faciliter l'effort humanitaire, notamment en veillant à ce que les sanctions et les mesures antiterroristes n'entravent pas les opérations humanitaires ».

Un million de réfugiés syriens pourraient revenir d'ici à juin 2025

© UNHCR/Ximena Borrazas
Des milliers de personnes passent en Syrie depuis le Liban par la frontière de Masnaa.

De son côté, l'Agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a indiqué mardi qu'un million de réfugiés syriens pourraient rentrer dans leur pays entre janvier et juin 2025, suite à la chute du régime de Bachar Al-Assad le 8 décembre.

Alors que la situation sécuritaire reste « très instable et fluide », le HCR a élaboré des plans, qui ont été exposés aux pays donateurs. Il s'agit de leur demander d'aider à répondre aux besoins sur le terrain, notamment les besoins des réfugiés syriens qui rentrent chez eux, mais aussi à ceux des Syriens déplacés à l'intérieur du pays qui retournent dans leur région d'origine et dans les communautés hôtes qui les accueillent.

« Nous prévoyons désormais […] de voir revenir environ un million de Syriens entre janvier et juin de l'année prochaine », a ainsi déclaré lors d'un point de presse à Genève, Rema Jamous Imseis, Directrice du HCR pour le Moyen-Orient et l'Afrique du nord.

Depuis 2011, plus de six millions de personnes se trouvaient en dehors des frontières du pays dans le monde, en qualité de réfugiés ou de demandeurs d'asile, selon les chiffres de l'agence onusienne.

Des mouvements pendulaires aux frontières

Sur le terrain, des milliers de réfugiés syriens rentrent dans le pays et des milliers d'autres le fuient. « Jusqu'à présent, nous avons constaté des retours en provenance de la Türkiye, du Liban et, dans une moindre mesure, de la Jordanie, mais nous avons également constaté des départs. Il ne faut pas oublier que les gens se déplacent également entre les postes frontières où ils ne sont pas détectés », a ajouté Mme Jamous Imseis.

Ces mouvements irréguliers ne sont pas suivis ou contrôlés par les équipes du HCR, d'où la difficulté pour les humanitaires onusiens de dresser un tableau complet de la situation. « Tout ce que je peux dire pour l'instant, il s'agit de retours en particulier à la frontière entre la Türkiye et la Syrie ».

Alors que certains Syriens ont également tenté de franchir les frontières libanaises depuis le changement de régime à Damas, le HCR estime qu'il est « important » de maintenir la protection des Syriens qui ont déjà trouvé refuge dans les pays d'accueil et de veiller à ce qu'ils ne soient pas renvoyés de force en Syrie.

© UNHCR/Ximena Borrazas
Des gens reviennent en Syrie depuis le Liban via le poste frontière de Masnaa.

Plus de 225.000 déplacés internes sont rentrés chez eux

Par ailleurs, plus de 225.000 déplacés internes sont rentrés chez eux, selon un décompte effectué le 15 décembre par le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). La majorité de ces déplacés sont retournés dans les gouvernorats de Hama et d'Alep.

Cela signifie que le nombre de personnes nouvellement déplacées a chuté de 1,1 million, rapporté le 12 décembre, à 882.000 personnes au 15 décembre. Sur ce chiffre, au moins 150.000 personnes ont été déplacées plus d'une fois.

Ces retours de déplacés interviennent alors que des frappes aériennes ont été signalées dans les gouvernorats du sud de la Syrie ainsi qu'à Homs, Tartous et Lattaquié, causant des dommages à des maisons d'habitation, à des établissements de santé, à un pont dans le gouvernorat de Homs, à un port à Lattaquié et à une conduite d'eau principale dans la ville d'Alhamediya dans le gouvernorat de Quneitra.

Des hostilités ont également été signalées dans le gouvernorat d'Alep, notamment dans la ville d'Alep, les districts de Menbij et d'Ain Al-Arab, ainsi qu'à Deir-ez-Zor, endommageant le pont de Hatla et coupant les routes entre sept villages et la rive ouest de l'Euphrate. « Ces incidents ont fait des morts et des blessés parmi les civils, mais les chiffres ne sont pas vérifiés », a détaillé l'OCHA dans son dernier rapport humanitaire.

L'accès et l'acheminement de l'aide restent un défi

Sur le terrain, l'accès humanitaire et l'acheminement de l'aide restent un défi dans de nombreuses régions de la Syrie. Pour répondre à l'augmentation des besoins en Syrie, le Fonds humanitaire transfrontalier pour la Syrie (SCHF), géré par l'OCHA, a activé des mesures de programmation flexible et de reprogrammation des activités pour sa réponse dans les gouvernorats d'Idleb et d'Alep.

Les opérations humanitaires dans les zones côtières restent largement perturbées au 15 décembre.

Des pillages continuent d'être signalés dans toute la Syrie, affectant la flotte d'ambulances de l'OMS à Hama, les ambulances de la Direction de la santé à Homs et un espace sécurisé pour les femmes et les filles soutenu par les Nations Unies dans la région de Tall Kalakh.

Depuis le 14 décembre, des manifestations et des menaces accrues à la sécurité ont été signalées dans le nord-est de la Syrie, en particulier à Raqqa, Al-Hasakeh et dans le camp d'Al Hol, ce qui a perturbé l'acheminement de l'aide. « Les ONG ont été confrontées à des restrictions de mouvement aux points de contrôle de Raqqa, Tabqa, Al-Hasakeh et Derik », a souligné l'OCHA, ajoutant que l'accès aux services dans le camp d'Al-Hol a également été limité aux interventions vitales.

© WFP/Emad Etaki
Des enfants font la queue pour de la nourriture chaude à Alep, en Syrie.

2 millions de personnes confrontées à des pénuries d'eau à Alep

Selon l'OCHA, la situation est également « difficile » à Menbij, depuis que de violents affrontements ont éclaté dans la région entre le 8 et le 11 décembre. Les ONG ont suspendu leurs activités pendant plus d'une semaine.

Par ailleurs, au moins deux millions d'habitants de la ville d'Alep et de la campagne orientale sont confrontés à de graves pénuries d'eau en raison de la suspension des stations de pompage de Babiri et d'Al-Khafsa. L'interruption du barrage a également perturbé l'accès à l'eau pour plus de 413.000 personnes dans les sous-districts de Menbij et de Kobani.

Dans le nord-est de la Syrie, une récente évaluation rapide des besoins révèle d'importants problèmes d'alimentation chez 91 % des enfants âgés de 6 à 23 mois, en raison d'ustensiles inadéquats, d'aliments inappropriés et de mauvaises pratiques d'hygiène. Les partenaires demandent instamment des interventions essentielles en matière de nutrition maternelle et infantile, notamment la mise en place d'espaces sûrs pour la mère et l'enfant et le soutien à l'alimentation complémentaire.