UNOG - United Nations Office at Geneva

07/03/2024 | News release | Distributed by Public on 07/03/2024 14:17

Un expert de l’ONU s'inquiète de la focalisation sur la hausse du PIB pour éradiquer la pauvreté

La croyance selon laquelle la croissance économique permettra d'éradiquer la pauvreté mondiale repose sur un mythe. Elle conduit le monde sur un chemin périlleux, a averti mardi l'expert indépendant de l'ONU sur la pauvreté.

« Voilà des décennies que nous suivons le même script : faire croître l'économie d'abord, puis utiliser les richesses pour lutter contre la pauvreté. Cette stratégie a engendré une situation désastreuse : un monde au bord de l'effondrement climatique dans lequel une minuscule élite possède scandaleusement une fortune démesurée tandis que des centaines de millions de personnes se débattent au quotidien dans l'horreur de l'extrême pauvreté », a déclaré Olivier De Schutter, Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté.

Dans un rapport au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, M. De Schutter démontre comment l'approche dominante de la lutte contre la pauvreté amène la destruction de l'environnement et conduit à la montée des inégalités.

Il exhorte les gouvernements et les organisations internationales à changer de cap, en abandonnant l'utilisation du produit intérieur brut (PIB) comme indicateur de progrès et en donnant la priorité aux droits humains et au bien-être dans leurs décisions économiques.

« Notre entêtement court-termiste à viser l'augmentation du PIB relève d'une idéologique 'croissanciste' qui ne fait qu'enrichir davantage les nantis tout en dévastant les écosystèmes ainsi que les ressources de la planète », a déclaré M. De Schutter.

Addiction au consumérisme

Selon lui, « le PIB et notre addiction au consumérisme sont devenus de dangereuses distractions vis-à-vis de ce qui importe vraiment : la capacité des personnes à mener une vie digne sur une planète viable. Cela signifie qu'il faut garantir à toutes et à tous un ensemble de droits fondamentaux, y compris l'accès aux services sociaux et le droit à un environnement propre, sain et durable ».

Le rapport de M. De Schutter démontre comment la croissance économique dans les pays du Sud global n'a pas permis d'extraire des millions de personnes de la pauvreté.

Dans un monde meurtri par le colonialisme, la création de richesses dans les pays à faibles revenus repose largement sur l'exploitation d'une main-d'œuvre bon marché et l'extraction de ressources naturelles, souvent dans le but de produire des biens pour le Nord et rembourser une dette extérieure écrasante.

« Même dans les pays à faibles revenus où la croissance est encore nécessaire et doit être soutenue, une augmentation du PIB ne conduit pas nécessairement au développement, entendu comme une amélioration du bien-être social et écologique », a affirmé le Rapporteur spécial.

Le rapport appelle à repenser d'urgence la lutte contre la pauvreté, en préconisant une reconversion rapide à une économie fondée sur les droits humains, qui oriente les ressources vers les services publics et la protection sociale. Il appelle à la restructuration et à l'annulation de la dette, au financement de services publics universels par le biais d'une taxation progressive des successions, du patrimoine et du carbone, ainsi qu'au renforcement de la coopération internationale en matière de lutte contre l'évasion fiscale.

« Notre foi aveugle en la croissance économique est un carcan pour notre imagination, et la lutte contre la pauvreté en a beaucoup souffert », a déclaré M. De Schutter.

« Pourtant, des mesures concrètes peuvent être prises dès maintenant pour nous remettre sur la bonne voie : abandonner le PIB comme indicateur de progrès, instaurer une garantie d'emploi, mieux valoriser le travail domestique et les soins non rémunérés, augmenter les salaires minima, limiter les richesses générées par les industries destructrices, voici les politiques qui peuvent réellement bénéficier à la planète et aux populations », a-t-il ajouté.

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.