INRAP - Institut national de recherches archéologiques préventives

12/17/2021 | News release | Distributed by Public on 12/17/2021 10:43

« Néolithique », une saison scientifique et culturelle fertile

La saison scientifique et culturelle « Néolithique » se clôt alors que l'Inrap s'apprête à fêter le vingtième anniversaire de sa naissance (1er février 2002). En vingt années de recherche, plus de 5170 rapports d'opérations préventives se rapportant à 3730 diagnostics et 1440 fouilles préventives (soit 10% des opérations menées par l'Institut) mentionnent, décrivent et analysent des données se rapportant au Néolithique. La loi relative à l'archéologie préventive (17 janvier 2001) a été un puissant levier d'action pour mettre au jour des sites néolithiques partout sur le territoire national, dans beaucoup de secteurs géographiques où cette présence néolithique était mal documentée, voire inattendue.

La somme de découvertes sur 20 ans concerne les contextes archéologiques eux-mêmes : sites à vocation funéraire, artisanale, habitats…, le mobilier archéologique sauvegardé : silex, poteries, ossements, parures en pierres, en coquillage, en os, graines et autres restes végétaux, objets en bois, en métal… les données paléoenvironnementales... les datations et les séquences chronologiques... L'Inrap compte aujourd'hui une cinquantaine d'archéologues spécialisés sur l'étude du Néolithique qui participent ou dirigent des travaux de recherches dans le cadre notamment des unités mixtes de recherche (UMR) du CNRS. Plusieurs nouveaux grands projets interdisciplinaires et collectifs ont ainsi démarré cette année :

  • sur les « Monumentalités, espaces et compétitions sociales au Néolithique en Europe atlantique (MONUMEN) » (Agence nationale de la recherche) ;
  • sur l'« Évolution typologique et technique des meules du Néolithique à l'époque médiévale » (Projet collectif de recherche) ;
  • sur les « Dynamiques d'occupation et d'exploitation du sel dans les golfes charentais, du Néolithique à l'âge du Fer » (Projet collectif de recherche).
  • sur « Les visages du passé, Portraits des populations néolithiques du Sud de la France ».

Sur le terrain en 2021

Environ 250 occupations néolithiques sont découvertes chaque année en France. Citons ainsi pour cette année quelques fouilles marquantes comme, dans le domaine funéraire, la découverte d'une sépulture collective à Saint-Doulchard (Cher) du Néolithique récent (3100 - 2900 avant J.-C), et la fouille d'un monument funéraire en blocs de calcaire du Néolithique final (3500-3100 avant J.-C.) à Morschwiller-le-Bas, servant de également de sépulture collective. En Haute-Savoie, l'Inrap a fouillé un village et un vaste ensemble mégalithique du Néolithique moyen à Massongy, présentant plusieurs stèles gravées (cupules, lignes géométriques) et des motifs qui pourraient représenter un paysage parcellaire agricole. À Concarneau (Finistère), l'Inrap a fouillé de rares bâtiments en forme d'amande du Campaniforme (2500 à 2000 av. J.-C.), associés à de nombreux fragments de céramique domestique.

À Woippy (Moselle), deux habitations de la culture du Rubané (5 300 - 4 950 avant notre ère, Néolithique ancien) ont été fouillées, ainsi qu'une vingtaine de fosses d'extraction ou de rejets. Un autre habitat (60 m²) du Néolithique moyen (4600-3400 av. J.-C.) vient d'être découvert dans lacommune d'Aubagne (Boûches-du-Rhône), associé à un grenier surélevé, un grand foyer circulaire à pierres chauffantes et des silos. Non moins représentatives de la période, des traces d'activités agricoles attribuables au Néolithique ont été découvertes en prolongement des bords de Seine sur le site de Saint-Martin-la-Garenne (Yvelines), de même que, sur le site du collège Port-Marianne (Hérault), des silos de stockage, outils, restes d'os d'animaux et de végétaux, céramique ornée de cordon, qui témoignent déjà d'une intense exploitation du terroir de Montpellier, entre 3700 et 3500 avant J.-C.
À signaler également, dans un contexte littoral, la fouille (programmée) par l'Inrap d'un amas coquiller à Porz ar Puns, sur l'île de Béniguet (Finistère), qui a permis de mettre au jour sous les niveaux protohistoriques, des tessons de céramique présentant des décors linéaires incisés qui pourraient se rattacher au Néolithique final (style de Conguel ?) et d'autres qui semblent correspondre à une tradition campaniforme (engobe rouge, ligne de chevrons).

Colloques

Colloques spécialisés

En 2021, comme chaque année, les chercheurs de l'Inrap ont répondu présents aux grands cycles de manifestations réunissant préhistoriens et néolithiciens.
C'est ainsi que le 29e Congrès préhistorique de France, « Hiatus, lacunes et absences : identifier et interpréter les vides archéologiques » (Société préhistorique française et UMR5608 TRACES) s'est déroulé du 31 mai au 4 juin 2021. Du 22 au 25 septembre, la ville de Rodez et son Musée Fenaille ont accueilli les 13e Rencontres Méridionales de Préhistoire Récente, sur le thème « Pierre à bâtir, pierre à penser : Systèmes techniques et productions symboliques des Pré- et Protohistoire méridionales ».

Archéologie des rivages et Néolithique

Le colloque annuel de l'Inrap, « Archéologie des rivages : habiter le littoral de la Préhistoire aux Temps modernes »(dir. : Florence Verdin, université Bordeaux Montaigne et Marc Bouiron, Inrap), s'est tenu les 20 et 21 octobre 2021 au Musée du quai Branly- Jacques Chirac. Les problématiques d'occupation littorale et d'érosion maritime ont aussi concerné des occupations du Néolithique et du début de l'âge du Bronze (littoral Aquitain, côte du Carmel en Israël, île Molène). Tel était également le cas du colloque HOMER, « Archéologie des peuplements littoraux et des interactions Homme/Milieu en Atlantique nord équateur », organisé par le CReAAH (UMR 6566 ) et le Service régional de l'archéologie de Poitiers avec le soutien de l'Inrap, qui s'est tenu cette automne sur l'île d'Oléron, dont plusieurs contributions étaient consacrées à des occupations néolithiques du littoral ouest de la France et en milieu insulaire (Belle-Île en Mer, Oléron, Ré,…).

Bien que non limités au Néolithique, ces deux colloques apportent un regard neuf sur la période et sur des contextes et des patrimoines archéologiques encore peu étudiés et fragilisés par l'érosion et le recul du trait de côte consécutifs au changement climatique. Parce qu'ils sont des réserves de biodiversité, de nombreux espaces littoraux ont été ainsi exploités depuis le Néolithique. L'étude des occupations plus ou moins éphémères de ces milieux naturels variés (dunes, marais, rochers…), de l'exploitation de leurs ressources (sel, pêche, collecte des coquillages, vannerie, céramique, etc.), apportent bien sûr des informations sur des sites néolithiques particuliers, mais aussi complémentaires à celles dont nous disposons sur l'arrière-pays (auquel ces occupations maritimes sont connectées) ou sur des écosystèmes insulaires, contribuant ainsi à une meilleure vue d'ensemble de toute la période. Centrales dans ces nouvelles recherches, les études paléoenvironnementales permettent de mieux comprendre l'anthropisation progressive de ces milieux littoraux depuis le Néolithique, mais aussi le fait que ces premiers occupants ont dû eux aussi s'adapter à des épisodes climatiques affectant leur environnement (tempêtes, ensablements, avancée ou recul du trait de côte, etc.).

Les mondes du Néolithique

Le 1er décembre, clôturant cette saison « Néolithique », l'Inrap a organisé en partenariat et au sein du musée du quai Branly - Jacques Chirac, une rencontre-projection sur « Les mondes du Néolithique », de manière à élargir le cadre au-delà des traditionnelles questions sur le Néolithique européen et son origine proche-orientale (le « package Néolithique »). En effet, dans au moins cinq à six foyers différents dans le monde, de manière désynchronisée, des espèces animales et végétales ont été domestiquées, permettant une maîtrise des ressources alimentaires, concomitante à la sédentarisation des communautés humaines. L'observation de ces autres foyers, en Chine et Asie du sud-est, en Amazonie du sud-ouest, aux Antilles, en Éthiopie..., révèle d'autres types de transitions néolithiques et des passages de systèmes de prédation à des systèmes de production originaux, en fonction notamment des milieux, de la disponibilité et de la gestion de certaines ressources naturelles, qui remettent en question nos schémas classiques de néolithisation.

Publications

L'année 2021 a été marquée par un nombre important de publications consacrées au Néolithique signées ou co-signées par des chercheurs de l'Inrap : publications de site, actes de colloques, monographies, essais. Signalons ainsi :

Programmation culturelle

Expositions

La diffusion des découvertes archéologiques vers le grand public est de nature à favoriser une démocratisation de la connaissance réservée jusqu'à lors à un petit groupe de spécialistes et d'érudits. Elle permet de reculer de plusieurs millénaires de nombreuses problématiques de nos sociétés et d'inscrire sur le temps long les débats actuels. C'est ainsi que l'Anthropocène et l'impact des actions humaines sur l'environnement se sont trouvés au cœur de l'exposition réalisée par le musée des Confluences de Lyon et coproduite avec l'Inrap, « La Terre en héritage, du Néolithique à nous » (2 avril 2021 - 13 février 2022). Avec près de 150 000 visiteurs à ce jour, cette exposition apporte la preuve que la réflexion archéologique sur le Néolithique peut trouver d'importants publics, une fois remise en perspective par rapport à nos questionnements contemporains.

Du 18 juin au 3 octobre, la commune de Llauro, en partenariat avec le Château-Musée de Bélesta et l'Inrap, proposait aussi de découvrir une exposition, « Dolmens d'ici, mégalithes d'ailleurs, pierres dressées du Roussillon et du pays nord catalan », ainsi qu'une installation pédagogique et ludique réalisée par l'Inrap, Archéochrono « Le Néolithique », qui a circulé sur tout le territoire.

sur inrap.fr

Tout au long de l'année, le site inrap.fr a permis d'approfondir la thématique « Néolithique », au gré des nouvelles découvertes et des manifestations déjà citées ou de productions numériques spécialement créées pour cette saison scientifique et culturelle.

« In situ »

Dans une nouvelle collection, « In Situ », la parole est données à des chercheurs qui, sur le modèle de masterclass, nous guident sur des sites archéologiques. En partenariat avec le site de La Vie des idées du Collège de France, Le temps des dolmens, nous emmène ainsi sur les dolmens des Fades et de Saint-Eugène (Aude) en compagnie de Jean Guilaine (membre de l'Institut, Collège de France) , de même que Le dolmen de la Pierre aux Fées et le Campaniforme (Haute-Savoie) avec Marie Besse (Université de Genève) et Le Néolithique en passant par Concarneau (Finistère) avec Richard Cottiaux (Inrap).

Entretiens et podcasts

Des grands entretiens ont été consacrés cette année au thème de la saison scientifique et culturelle, l'un, « Le Néolithique en partage », avec Muriel Gandelin, archéoanthropologue à l'Inrap et commissaire de l'exposition « La Terre en héritage » (écouter aussi sur le sujet Jean-Paul Demoule dans « Sois néolithique, chéri ! » sur Carbone 14), l'autre, « La place de l'animal dans les sociétés néolithiques », avec Lamys Hachem, archéozoologue à Inrap, autour de son ouvrage, Farm, hunt, feast, celebrate: Animals and Society in Neolithic, Bronze and Iron Age in Northern France (avec Ginette Auxiette, Sidestone Press, 2021). Un podcast de la collection « Rappelle toi demain » (Inrap/Binge audio) « L'humain et l'animal, à la vie à la mort », toujours avec Lamys Hachem, est également consacré à cette thématique.

Espace enseignants

Dans l'espace « enseignants », une page de ressources,« Du Néolithique à nos jours, des objets témoins de l'impact humain sur la planète », a été spécialement créée pour des élèves du lycée (cycle 3) et leurs enseignants, autour du thème de l'exposition « La Terre en héritage ». On y retrouvera des dossiers pédagogiques, un choix iconographique, ainsi que l'épisode de la série « Les experts remontent le temps » consacré au Néolithique.

La Galerie muséale

Enfin, dans une de ses expositions virtuelles, la Galerie muséale nous invite à découvrir une série d'objets néolithiques issus des fouilles de l'Inrap, qui sont exposés dans les musées partenaires et qui ont marqué la vie de l'institut : vase chasséen à décor soléïforme, vase zoomorphe d'Aubevoye, bracelet en schiste, etc.

Une page de ressources « Néolithique »

Pour découvrir et approfondir la thématique, une page « Saison Néolithique » regroupe toute une sélection de ressources et d'éclairages, classés en 5 grandes rubriques (« introduction », « habitat », « alimentation », « production » et « funéraire »).
On y retrouve dossiers multimédia, reportages d'actualité, masterclass (In situ) et conférences en ligne (colloques), entretiens, articles sur les découvertes, émissions de radio (Carbone 14), podcasts, articles scientifiques (Archéopages, Recherches archéologiques), Portfolio, Quiz...

Pour conclure

L'enjeu de cette saison scientifique et culturelle était à la fois de mettre en valeur des travaux de spécialistes du Néolithique menés au sein de l'Inrap et de mieux saisir la singularité d'une période relativement courte à l'échelle du temps long de la Préhistoire et décisive sur le plan de l'histoire humaine. Loin et proche, le Néolithique inscrit « la » grande césure, du passage à l'agriculture, de la sédentarisation et des premiers systèmes de production, par laquelle il marquerait l'émergence de l'Anthropocène, mais se rangerait aussi, pour certains chercheurs, du côté de la Protohistoire et même d'une certaine façon d'une Histoire des territoires, encore largement « agricoles » jusqu'au monde de l'après-guerre.
Cette saison « Néolithique » se clôt pour laisser place l'année prochaine à l'anniversaire des vingt ans de l'Inrap qui donnera encore toute sa place à cette période passionnante et à de nouvelles découvertes archéologiques !